Glody Muabila : « À ADACO, nous n’attendons pas pour changer ce pays, nous agissons ! Nous nous sommes engagés pour apporter notre part de changement … » (Entretien)

Avocat près la Cour avec pour domaine d’intérêt le droit des sociétés commerciales, le droit à l’image et le droit du patrimoine culturel, et Secrétaire général de l’administration des droits d’auteur au Congo – ADACO -, Glody Muabila demeure optimiste qu’à la libéralisation des droits d’auteur et droits voisins en République Démocratique du Congo. Il s’appuie du récent discours du président rd-congolais Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo pour inviter les parlementaires et le futur gouvernement à travailler également pour les droits des artistes, culturels et autres prestataires de ce secteur. S’agissant de l’Adaco, il affirme avec énergie qu’au quotidien, tout le personnel travaille et est prêt à enregistrer les artistes et les créateurs qui veulent voir leurs œuvres protégées et rapportées des dividendes. Lecture.

 

Selon nos sources, à travers l’ADACO, vous aviez introduit une requête au Conseil d’état de votre pays, la Rd-Congo en annulation de l’arrêté de l’ancienne ministre de la culture et des arts, Astrid Madiya autorisant la Socoda de percevoir les droits de toutes les œuvres présentes sur votre territoire. Quelle a été la réponse de cette juridiction ?
En effet, pour mieux comprendre ce dossier, il faut remonter le temps. Tout commence le 8/2/2009 lorsque la ministre de la culture Astrid Madiya sous le gouvernement Tshibala va prendre un arrêté N°016/CAB/MIN/CA/2019 portant mesure d’application de l’Ordonnace-Loi N°86-033 du 5/04/1986 portant protection des droits d’auteur et des droits voisins. Étant donné que certaines dispositions de cet acte règlementaire avait énervé l’Ordonnace-Loi susmentionnée pour laquelle, il était censé de s’en inspirer au point de créer un nouveau droit en violation du droit fondamental de la propriété littéraire et artistique. C’est ainsi qu’à cette même période des plateformes comme La Clique Music et Kin Art Studio (dont les responsables sont membres co-fondateurs de l’ADACO) avaient un recours gracieux auprès de la ministre de la Culture, malheureusement elle leur avait réservé une fin de non-recevoir. Et quelques mois après, ils ont saisi Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, pour un recours hiérarchique, lui demandant de rappeler par-devers lui tous les arrêtés litigieux pris par Madame le ministre et éventuellement l’enjoindre de rapporter celui du 9 février 2019.

Voilà un peu l’historique de cette affaire !
Maintenant que ADACO est en règle du fait de sa situation administrative, nous ne pouvons sauter le recours préalable pour aller directement saisir le Conseil d’État en annulation de l’arrêté N°016/CAB/MIN/CA/2019 du 8/2/2019 parce qu’il fait grief. Ça ne fonctionne pas ainsi le droit du contentieux administratif.

Nous avons jugé bon de laisser ceux qui avaient déjà pris l’initiative depuis 2019, de continuer avec la procédure d’autant plus que les responsables de toutes ces structures sont de l’ADACO. Ils sont avec nous dans cette bataille et nous sommes avec eux !

Je ne peux quand même pas comprendre qu’en plein 21è siècle que l’on subordonne toute exploitation en public des œuvres d’esprit à l’autorisation exclusive de la SOCODA. C’est illogique ! Comment peut-on en un seul instant permettre que l’on retire à l’auteur non affilié à la SOCODA tant congolais qu’à l’étranger, la gestion individuelle de ses propres œuvres ? Nous disons non à cet arrêté, car les autorisations d’exploitation càd ‘’licences’’ ne peuvent être attribuées que par la SOCODA.

Vous m’excuserez, car je ne peux pas aller plus loin. Mais retenez que ADACO n’a pas encore fini de faire parler de lui dans la contribution jurisprudentielle administrative dans le secteur de la propriété littéraire et artistique. Soyez patient et attendez l’arrêt du Conseil d’État. Nous n’en sommes qu’au début !

 

Que feriez-vous si sa décision serait négative ?

J’aime rester optimiste dans ma façon de concevoir le monde. Même mon maître à pensée, l’immortel Jean d’Ormesson, philosophe du bonheur ne sera pas content de moi là-haut !

Croyez-moi, même un bébé qui tombe sur cet arrêté, pourra facilement déceler son illégalité. A fortiori des hauts magistrats, bien rodés dans le contentieux administratif ?
En tout état de cause, Mr le journaliste, faisons confiance en notre appareil judiciaire. Et surtout en pleine consolidation de l’État de droit, il y a de quoi à encourager nos juges à ne dire que le droit, rien que le droit !

Le 14 septembre 2020, au cours de la sortie officielle de votre société des droits d’auteur, vous aviez drainé un monde fou et vous aviez promis aux artistes et créateurs rd-congolais de coopérer avec eux. Depuis, c’ est la léthargie. Comment expliquez-vous cela ?
La léthargie ? Je ne pense pas !
Permettez-moi de profiter de votre plume pour remercier tous ceux qui nous ont accompagné dans la réalisation de cette activité. Mention spéciale aux jeunes artistes qui étaient plus de 300 à signer derechef notre fiche d’identification. Encore une fois, merci à eux !

ADACO est là et continue de vivre… Si le fait de jacasser, s’illustrer dans les vacarmes ou s’envoyer de piques à la TV contre X ou Y rimerait à occuper de l’espace, je suis désolé !

Il faut quand même préciser que nous sommes encore une très jeune société et savons que les gens attendent beaucoup de nous. C’est une grosse responsabilité, et cela nous donne davantage de l’énergie, de la motivation à ne pas les décevoir. Mais nous les rassurons que nous ne dormions pas sur nos lauriers. En depi du fait, que nous sommes contraints de modifier notre façon de travailler en raison de la pandémie du covid19, il faut noter cependant que ADACO va bientôt publier son calendrier d’activités 2021-2022 et vous m’en direz des nouvelles !

Le SG de L’ADACO face à la presse, le 14 septembre 2020 à L’ABA. Ph. Bienvenu Dumbi

 

À ce jour, combien de sociétaires comptez-vous ?
Notre règlement ne m’astreint à la confidentialité de tous actes délibérés en conseil d’administration, d’autant plus que je suis Secrétaire Général au Conseil d’administration, je veille à ce que tous mes agissements ne puissent porter préjudice aux intérêts matériels et moraux de la société ou des professionnels représentés par la société. Néanmoins, pour votre gouverne, nous sommes en phase de régulariser la situation d’une centaine des titulaires de droit d’auteurs et droits voisins. Ce n’est qu’après validation que des différentes demande d’adhésion que nous serons à même de les catégoriser s’ils sont des auteurs et compositeurs, éditeurs, artistes-interprètes ou exécutant, des producteurs de phonogramme ou vidéogramme… Selon la définition de l’ordonnance-loi portant protection des droits d’auteurs et droits voisins.

Avez-vous les mêmes attributions que la Socoda ou les vôtres sont spéciales ?
Je m’attendais à cette question, car à chaque fois que l’on parle de ADACO, on ne manque pas de nous opposer à la SACODA, ou carrément de nous confondre en une sorte d’ASBL. Laissez-moi en rire. Nous ne sommes pas ennemis de la SOCODA, à chacun de nous de bien garder et embellir sa maison et aux créateurs des œuvres de l’esprit de nous départager.
Je me sens plus à l’aise de parler de ma société que celle des autres. Nous évoluons tous dans le secteur des droits d’auteur. Il faut retenir que la SOCODA qui tire sa source de l’ordonnance N°11/022 du 18/03/2011 a pour objet la défense. L’exploitation, l’administration et la gestion de tous droits d’auteurs et droits connexes dans toutes ses extensions, en RDC et à l’étranger, pour elle-même, ses mandants et pour des sociétés correspondantes. Pourtant par sa gestion cacocratique, elle n’est pas reconnue par la CISAC et ne peut faire la réciprocité avec ses consoeurs étrangères.

Pour ADACO, notre leitmotiv est d’anticiper la réflexion et d’ouvrir un large débat conséquent et collectivement bénéfique aux artistes, compositeurs, interprètes et à tous les auteurs des œuvres de l’esprit. Ainsi, en un mot pour faire la différence, nous sommes dans la représentation des droits d’auteur.

Le logo de L’ADACO. Ph. Dr Tiers

 

Toutefois, l’exercice des droits d’exploitation, des actions de protection sociale, de prévoyance, de solidarité et d’entraide au profit des titulaires des droits que nous représentions, des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d’artistes interprète ou exécutant,…font partie aussi de nos missions.

Je vous épargne de la littérature de l’article 4 de nos Statuts sur l’objet social de l’ADACO.

Que doivent faire les rd-congolais ou autres personnes présentes en RDC et qui veulent s’affilier chez vous ?
Pour que vos droits soient représentés et administrés par ADACO, ll vous fait une demande d’admission adressée au conseil d’administration de l’ADACO, à titre d’associé auteur musicien, n’est prise en considération que si elle est présentée par une (01) personne physique qui, selon les cas suivants :

Est l’auteur ou le coauteur d’au moins deux œuvres originales,
Ayant fait l’objet d’un enregistrement sur support ou fait l’objet d’au moins deux exécutions publiques dans les trois mois qui précédent la demande d’admission.
Le postulant, pour ce faire, devra :

– Remplir la bulletin de déclaration fourni par l’ADACO et le signer Paiement des frais pour adhesion + frais administratifs de la Direction de la Propriété intellectuelle du Ministère de la Culture et Art ou la preuve du constat déclaration du Ministère ;
– Fournir une copie d’une pièce d’identité ;
– Fournir deux (2) photographies d’identité ;
– Fournir une copie des œuvres sur support ;
Au cas où le postulant, est aussi, artiste-interprète, il devra ajouter à sa demande :

Un justificatif d’une participation en qualité de prestataire d’un groupe de musique
Un justificatif d’au moins d’un enregistrement publié à des fins de commerce ou de prestation radiodiffusée. Pour d’autres détails, en termes des frais, que l’intéressé puisse passer dans nos installations.

Plus d’une année déjà depuis que vous aviez entrepris les démarches pour la libéralisation du secteur des droits d’auteur avec l’ADACO. Où en êtes-vous ?
À sa création, ADACO s’est investie d’une mission celle de mener la lutte pour la libéralisation du secteur des droits d’auteur à travers ce que j’appelle la Révolution de la propriété intellectuelle. En effet, 1 an nous nous en félicitons aujourd’hui la fameuse question du monopole onirique de la SOCODA ne se parle plus. Comme le dit si bien le PCA Balufu, ‘’ce monopole’dont se réclame LA SOCODA, est un heritage du régime dictatorial de Mobutu avec son parti-État. Celui-ci avait le pouvoir sur tous les aspects de la société, qui étaient incorporés en son sein, comme ses organes. Ainsi, la gestion des droits d’auteurs a été offerte aux musiciens (ou un groupe d’entre eux) comme cadeau financier en échange de leurs loyaux services de participation active à la propagande musicale à la gloire de Mobutu…’’

Le monde a largement évolué. À l’ère du numérique, les textes organisant la gestion des droits d’auteur en RDC sont devenus obsolètes. La notion du fameux monopole est aussi devenu obsolète du fait de l’évolution de l’environnement politique, l’industrie de la creation artistique, ainsi que les outils de transmission/distribution/diffusion des œuvres. Des en plus dans le chef des organisations professionnelles d’artistes naît un grand besoin de dialogue, afin de permettre à tous de participer dans la construction de ce vaste projet. C’est un combat jusque là, rien n’est encore acquis mais nous continuons la révolution.

 

Contactez la rédaction au +243 810000579

 

Qu’est-ce qui a poussé la confédération internationale des sociétés des droits d’auteur et compositeurs – CISAC – de vous soutenir depuis votre création ?
Je remercie la CISAC, car elle ne cesse de nous apporter son soutien. Avec ses 232 membres dans 120 États, elle représente 4 millions de créateurs de toutes les régions du monde et de tous les répertoires artistiques. En effet, il faut savoir ceci, l’on reconnaît le sérieux d’une société d’administration, de représentation, de gestion des droits par sa clé de répartition et pour sa bonne gestion administrative.

Pour tout dire, c’est la clé de répartition qui signifie l’objet et la légitimité d’une société des droits d’auteur.

Déjà à notre début, si la CISAC a détecté cela chez nous, tant mieux ! Encore une fois, merci.

Pensez-vous qu’avec la prolifération future des sociétés des droits en auteur dans votre pays, les artistes et autres créateurs vivront paisiblement ?
Je suis de ceux qui pensent que l’industrie créative est la bonne voie dans le développement d’un véritable écosystème et ce, dans toute sa diversité. Qui dit économie culturelle dit aussi la prolifération des sociétés et/ou organisations professionnelles d’artistes/créateurs d’œuvres de l’esprit. Il y en a en beaucoup ailleurs et pourquoi pas reproduire la même chose ici c’est chez nous ?

Si nous avons combattu le monopole onirique de la SOCODA, pourquoi interdire aux sculpteurs, aux producteurs, réalisateurs…de créer des sociétés sectorielles ?
Une chose est de créer, une autre c’est de la faire fonctionner selon les normes et standards internationaux. J’aimerais bien voir Blaise Bula, Paul Ngoy dit le Perc, Maître Hervé-Michel Bia, Dikisongele,… Créer des organisations sectorielles. Ce serait un grand plaisir !

À ADACO, nous disons, faire partie de notre communauté, c’est de participer avec nous dans l’ouverture d’une conversation constructive afin de fixer, ensemble un nouveau cap dans l’approche d’une véritable politique culturelle et, surtout, dans une saine gestion collective des droits d’auteur en RDC.

 

Là où il y a plusieurs opérateurs, il ne manque pas des conflits d’intérêts. Quelle formule proposez-vous aux législateurs et à l’exécutif pour que tous les problèmes qui surgiront, n’affectent les sociétaires de tous les bords ?
Les conflits sont partout. N’avions-nous pas connu des conflits dans le chef de ceux-là qui pensaient détenir à tort un semblant de monopole ?
Toutefois, dans chaque secteur où il y a plusieurs opérateurs il faut de l’ordre. Cet ordre ne peut exister que par la modification et révision de l’Ordonnace-Loi de 1986 par un nouveau texte qui intègre l’évolution technologique. Lequel texte va créer ce que l’on appelle une AUTORITÉ DE REGULATION DES SOCIÉTÉS DES DROITS D’AUTEURS. Autant, il existe AAC, ARPTC, ARCA, CSAC, autant j’en appelle de tous mes vœux à la création d’une Autorité de régulation et contrôle de le secteur des droits d’auteur qui aura un rôle d’arbitre. C’est un débat que nous imposons sur la place publique !

Quel message adressez-vous au président Félix Tshisekedi qui en ce net moment multiplie des contacts pour un avenir meilleur des rd-congolais, singulièrement des artistes ?
À Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi, je n’irai pas par 4 chemins, je vais simplement lui rappeler sa parole : « …Ainsi donc, pour la République Démocratique du Congo, l’heure d’opérer un choix quantitatif, c’est maintenant (…) L’heure n’est plus à proposer quelques adaptations au système actuel. Nous devons changer de modèle. La crise est globale, la réponse doit être globale pour permettre une bonne redistribution des richesses profitables à tous les filles et fils de la RDC.’’ Et il rajoute ‘’(…) Le changement, c’est l’affaire de tous. Ce Congo nous ne pouvons le construire qu’ensemble et si nous acceptons de changer dès à présent, dès maintenant.’’

Mr le journaliste, Vous et moi, savions combien le budget alloué au ministère de la culture et arts est insignifiant pour la développement de ce secteur. Ainsi, le Chef de l’État ne doit pas oublier que dans sa vision pour la consolidation d’un État de droit, la responsabilité des intellectuels, artistes, créateurs et opérateurs culturels de la RDC est engagée pour concrétiser le changement dont notre pays a grandement besoin. Comme le dit si bien notre PCA, ‘’le rôle de la culture est aussi de trouver des solutions.’’

Dans quelques jours, il sera Président en exercice de l’Union Africaine. Tout en lui souhaitant un excellent mandat, je subodore qu’il faira de la restitution de nos objets culturels et cultuels une de ses priorités, consécutivement au plaidoyer de l’Organisation Étoile d’Afrique et ses partenaires le Conseil des Sages des Empires et Royaumes
D’Afrique (COSERA) et l’Académie pour le développement du Kongo (ADK).

 

En tant que Secrétaire général de cette première société privée qui réclame haut et fort la libéralisation des droits d’auteur au pays de Wendo et de Lufwa, que dites-vous à votre cible (artistes, créateurs, ayant droits …) ?
Aux artistes, créateurs et ayant-droits, nous leur demanderons de nous faire confiance et sommes très heureux de les compter parmi nous dans cette dynamique de la Révolution de la propriété intellectuelle.
Qu’ils retiennent ceci, chez nous à ADACO, nous ‘’n’attendons pas pour changer ce pays n’, nous agissons ! Nous nous sommes engagés pour apporter notre part de changement, en ce qui concerne les respect de la valorisation des œuvres de l’esprit, du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.’’

Ce fut un plaisir pour moi.
Merci beaucoup !
Tous mes vœux de santé, paix, réussite et épanouissement à tous !

CINARDO KIVUILA