Vitshois Mwilambwe : « En Rd-Congo, l’art et la culture ont été abandonnés et les artistes doivent se démerder »

Au milieu de plusieurs secteurs de la vie bouleversés par la pandémie à coronavirus, le secteur culturel et de l’art visuel n’est pas épargné. Situé dans la capitale Kinoise, Kin ArtStudio comme tout autre lieu de résidence, subit les retombés directs de cette crise sanitaire qui sévit à travers le monde.

À l’occasion d’un entretien avec l’équipe rédactionnelle d’Eventsrdc.com, le directeur-artistique et exécutif de Kin ArtStudio, Vitshois Mwilambwe a passé en revue la situation des artistes de l’art visuel rd-congolais en ce temps de crise.

Selon Vitshois Milambwe, en République Démocratique du Congo, les artistes sont abandonnés à leur propre sort. « La situation est vraiment inquiétante surtout au Congo puisque dans d’autres pays développés d’Afrique et de l’Europe, il y a eu des fonds pour soutenir les artistes. Au Congo, l’art et la culture ont été abandonnés et les artistes doivent se démerder », s’inquiète-t-il. Entretien.

Depuis janvier 2020, le monde est en agitation et presque tous les secteurs de la vie sont en pause. Quel est l’impact de la pandémie de coronavirus dans le secteur des arts visuels où vous œuvrez ?

Oui, c’est vrai que depuis janvier la covid- 19 a touché plusieurs secteurs de la vie dans le monde et c’est à partir du mois de mars qu’il y a eu bouleversement parce-que c’est pendant cette période-là qu’il y a eu fermeture des frontières. Il y a eu bouleversement des tournées artistiques, annulation des plusieurs expositions, des festivals de Biennal et d’art contemporain. Et surtout dans le monde, les lieux de résidence et d’exposition étaient fermés. C’est un secteur qui est vraiment pénalisé et cela à crée des répercutions dans le marché de l’art. Il n’y a plus des ventes aux enchères, ni des expositions vendant des galeries, encore moins des biennales et des foires. Tout a été soit annulé, soit reporté vers la fin de cette année soit vers le début de l’année prochaine.

L’artiste visuel vit des expositions dans des galeries physiques et des résidences. Avec cette situation, comment cela fonctionne ?

En ce moment, c’est la galère pour tout artiste qui n’avait pas su épargner. Même pour ceux qui épargnent, c’est toujours la galère parce qu’en ce temps, il n’y a pas d’entrée. La situation est vraiment inquiétante surtout au Congo puisque dans d’autres pays développés d’Afrique et de l’Europe, il y a eu des fonds pour soutenir les artistes mais au Congo, l’art et la culture ont été abandonnés et les artistes doivent se démerder.

Vitshois Mwilambwe en plein travail. PH. Dr Tiers

 

Pensez-vous que les expositions virtuelles d’art peuvent-elles bien nourrir les artistes et les responsables de ces galeries ?

C’est un peu difficile parce que très souvent, les vrais collectionneurs préfèrent voir l’œuvre en vrai plutôt que virtuellement avant de l’acheter. S’il y en a d’autres qui peuvent acheter les œuvres virtuelles, ils achètent chez les galeristes qui sont respectés, connus, dont ils connaissent déjà le travail. Mais il y a aussi le problème au niveau de la livraison. Il y a aussi de ces galeries qui peuvent vendre des œuvres d’art au profit de leurs artistes durant cette période, mais c’est à compter au bout des doigts et même pour ces galeries-là, c’est de la galère durant cette période.

Comment vivent les artistes bloqués dans des résidences à travers le monde ?

S’il s’agit des résidences sérieuses, donc on sous-entend qu’elles ont un budget pour les imprévus, avec quoi elles peuvent aider les artistes. Mais je ne crois pas que ce budget puisse tenir longtemps car ça sera très difficile parce-que ces lieux de résidence doivent payer le logement des artistes sans compter l’alimentation, l’assurance maladie…tout constitue des dépenses supplémentaires pour ces lieux de résidence. Si un artiste est bloqué à un lieu de résidence, celui-ci est plus perdant parce qu’il devra et parfois même au-delà de son budget réservé aux imprévus.

A l’exemple de Françis Tenda, un artiste de Kin ArtStudio, qui, en ce moment est en Belgique où il s’était rendu pour une résidence de deux mois et demi mais il est bloqué depuis le premier mars. Heureusement pour nous à Kin ArtStudio, nous n’avons pas eu des artistes avant ou pendant la covid-19, sinon ça aurait été compliqué par rapport à notre budget très réduit.

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Vos collaborateurs se retrouvent-ils dans cette situation ? Si oui, sont-ils dans des bonnes conditions de vie et de travail ?

Ces derniers temps, c’est très difficile. On continue de travailler de loin, parfois je me rends à Kin ArtStudio pour voir s’il y a des documents à récupérer pour envoyer aux partenaires. C’est très difficile car tout est bloqué, on fonctionne avec les artistes, le public, via réseaux avec nos partenaires locales, nationales et internationales mais en cette période, tout est mal.

Combien d’artistes en résidence enregistre Kin ArtStudio durant cette période particulière pour l’humanité ?

En cette période, nous n’avons pas eu d’enregistrement d’artistes mais plutôt, nous avons annulé tout ce qu’on devait faire. Les artistes qui devaient venir ne sont pas venus. Nous avons soit annulé soit reporté et d’autre part pour nous qui devrions aller en résidence et travailler avec d’autres structures partenaires de Kin Art Studio dans le cadre de nos partenariats, tout était annulé. Sauf juste un de nos artistes qui devait se rendre en Suisse pour une résidence de trois mois ; nous avons négocié et ça été bien fait avec notre partenaire qui est très professionnel.

Nous avons donc trouvé un concept de manière à ce que l’artiste soit en résidence, le partenaire chez lui à la maison et produire un travail pendant cette période, en même temps rester en connexion avec d’autres structures partenaires en Suisse, en Afrique et ailleurs de façon à ce qu’il y ait communication entre artistes.

Cette maladie ne vous empêche-t-elle pas de créer et d’animer des ateliers d’art ?

La covid-19 ne nous empêche pas de travailler et de créer. Déjà pour créer, nous (les artistes), avons l’habitude de nous confiner quand il s’agit de peindre et de travailler. Ça dépend de la forme du travail parce-que le genre de travail dans l’espace public qui demande des assistants et des collaborateurs, on ne peut le faire mais la création en soi, reste et on continue à travailler.

Nous sommes encore de plus en plus créatifs en cette période. Souvent, quand il y a des chocs et problèmes, c’est en ce moment que l’artiste est encore plus inspiré. Pour l’animation des ateliers d’art, Kin ArtStudio a tout reporté parce-que ce n’est pas possible de le faire.

Au mois de juillet, je devais me rendre à Dar es Salaam pour animer le master class mais je n’ai pas pu m’y rendre et du coup, dans deux semaines je vais animer une série de discussions sur internet via zoom, avec 14 artistes tanzaniens à partir de Dar es Salaam. Nous allons échanger par rapport à leur travail et aussi sur l’histoire de l’art contemporain au Congo et en Afrique.

Ecoutez aussi :

https://soundcloud.com/eventsrdcfm243/arts-visuels-le-rd-congolais

GLODY NDAYA

CINARDO KIVUILA