Tosi Mpanu-Mpanu (RDC) : Climat, « la dynamique commencée à Paris continuera »

Après plus d’une semaine, depuis que le Président des Etats-Unis d’Amérique -Donald Trump a annoncé le retrait de son pays de l’accord de Paris sur le climat, les réactions se poursuivent de part le monde. Tosi Mpanu Mpanu -le négociateur en chef de la République Démocratique du Congo pour la convention des Nations Unies sur le climat et l’un des dirigeants du Fonds verts pour le climat, a parlé des conséquences de ce retrait pour le continent africain au micro de nos confrères de la Radio France Internationale –RFI.

Le retrait de Donald Trump, est-ce que c’est la mort de l’Accord de Paris ?

Bien sûr que ça ne l’est pas. C’est vrai que c’est un petit pied de nez au système multilatéral onusien, c’est un petit pied de nez aux pays vulnérables face à ce changement climatique Mais il y a une dynamique très forte qui a commencé à Paris et qui continuera. Un seul mauvais élève ne peut pas faire échouer toute la classe. Oui, mais ce n’est pas n’importe quel élève. C’est l’un des deux plus grands pollueurs de la planète ?

C’est vrai, il faut le reconnaître. Les Etats-Unis ont inscrit dans l’Accord de Paris des actions qu’ils vont de toute façon mettre en œuvre. Donc il n’y avait aucune raison de quitter l’Accord de Paris. Et je pense qu’en fait ce retrait peut créer un sursaut. On l’a vu d’ailleurs, douze Etats des Etats-Unis, qui comptent pour 30% du PIB intérieur américain, ont décidé de continuer à respecter les engagements qui entrent dans le cadre de l’Accord de Paris, 187 villes ont décidé de continuer à s’inscrire dans le sens de l’Accord de Paris. Et donc quelqu’un d’autre pourra prendre le leadership qu’abandonnent les Etats-Unis : la Chine, l’Inde, l’Union européenne et d’autres.

 

Et quand vous dites que les Américains vont appliquer ce qu’ils ont signé, vous pensez à quoi ?

Les Américains ont décidé de réduire le quart de leurs émissions de 2005 d’ici 2025. Et cela passe par certains investissements des énergies renouvelables. Ce sont des choses qui se feront. Simplement, parce que cela aide à avoir une facture énergétique moins importante en termes d’énergie fossile et donc les gens iront vers ce saut qualitatif.

 

Mais si en quittant l’Accord de Paris, les Américains gagnent des parts de marché sur certains secteurs. Est-ce que les Européens et les Chinois ne vont pas être obligés de suivre ?

Je pense que l’Accord de Paris, contrairement au protocole de Kyoto qui était son prédécesseur, est un accord qui invite à se joindre à un cercle vertueux. C’est un accord qui n’impose rien aux pays, mais invite les pays à contribuer à l’ambition globale, à travers une implication des différentes parties prenantes nationales, telle que le secteur privé. Et donc c’est un accord qui pousse à un comportement vertueux.

Alors c’est vrai que la Chine, l’Europe se disent prêtes à prendre ce leadership, mais en sortant de l’accord, est-ce que les Américains ne vont pas devenir plus concurrentiels et est-ce qu’ils ne vont pas pousser Européens et Chinois à s’aligner sur eux ?

Je suis d’avis que la dynamique qui a été créée à Paris est une dynamique qui fait sens. Il y a une logique économique aujourd’hui à investir dans des énergies renouvelables, qui réduisent la facture énergétique qui est basée sur des énergies fossiles. Et je pense que de plus en plus d’emplois verts vont être créés et à terme je pense que ceux qui investissent dans les énergies fossiles aujourd’hui se trompent de choix.

 

L’Accord de Paris prévoyait un Fonds vert pour le climat à hauteur de 10 milliards de dollars financé pour un tiers par les Etats-Unis. Qu’en est-il maintenant ?

Il est clair que les Etats-Unis – l’administration Obama – avaient mis un milliard de dollars au Fonds vert et donc il va manquer deux milliards. Il faut savoir maintenant lequel des pays développés ou lequel des pays en développement – pourquoi pas – va montrer au créneau pour combler ce vide. Parce que ce fonds va permettre aux pays en développement, qui ont le moins contribué à ce problème du climat, de pouvoir se joindre justement à ce cercle vertueux. Et je suis d’avis que les pays qui vont prendre le leadership laissé vacant par les Etats-Unis vont certainement combler ce déficit que nous rencontrons aujourd’hui.

 

Grâce à ce Fonds vert, l’Afrique voulait développer l’énergie propre, une agriculture bio, des terres moins salinisées. Est-ce que tout cela ne risque pas de tomber à l’eau ?

Je ne pense pas que cela tombera à l’eau. Simplement parce que les pays africains ont peu contribué à ce problème du climat et je pense que les gens ne resteront pas insensibles à ces efforts, à la planification responsable, cohérente, que ces pays ont entrepris à travers leur contribution nationale présentée lors de l’Accord de Paris. Et ce sont des projets qui sont bancables, crédibles. Et je suis sûr que des financements trouveront leur voie vers ces projets qui vont transformer la vie de millions d’Africains.

 

Et concrètement, est-ce qu’il y a déjà des projets qui sont en cours de lancement grâce à ce Fonds vert pour le climat ?

Oui. Plusieurs projets ont déjà été approuvés dans plusieurs secteurs : les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les transports, les forêts bientôt. Vous savez que 20% des émissions globales proviennent de la déforestation. Donc 20% du problème pourraient constituer 20% de la solution. Donc ce Fonds vert est une réalité. Il est vrai qu’il a pris un peu de temps avant d’être opérationnel, mais aujourd’hui c’est une réalité concrète vers un développement plus sobre en carbone, ce fonds prendra le relais pour créer des ressources propres.

 

Mais franchement, quand vous dites que le départ des Américains va provoquer un sursaut, vous ne péchez pas par optimisme ?

C’est possible. Je dis qu’il y a quelques années il y avait les lobbies du tabac qui nous disaient que le tabac ne causait aucun tort et aujourd’hui la réalité est claire. Tout le monde comprend qu’il faut peut-être fumer moins. Il faut essayer de fumer loin des enfants et donc aujourd’hui, oui, certains lobbies du pire disent que le schéma climatique n’est pas une réalité et qu’il faut continuer à investir le charbon. Mais je crois que les gens comprendront que ce n’est pas la voie à suivre et à terme ce qui paraît comme étant un péché par naïveté se révèlera comme étant la voie à suivre par tous.

 

Limiter le réchauffement à deux degrés d’ici 2100 est-ce que c’est encore possible ?

Toutes les solutions sont connues. Maintenant, c’est qui mettra la main à la poche pour financer ces efforts ?

 

Donc après ce discours de Trump il y a vraiment danger ?

Oui, je pense que Trump peut un tout petit peu ralentir l’effort, mais il ne va certainement pas l’annuler. Ce qui a été fait à Paris en décembre 2015 est une prise de conscience collective et je ne pense pas qu’un seul pays puisse enrayer cette dynamique forte.

CHRISTOPHE BOISBOUVIER (RFI)