Liberté d’expression : Un droit en mutation à travers les âges, de Gutenberg à GAFAM

L’évolution des moyens d’expression, allant du droit à la parole à la liberté de la presse, en passant par le droit d’expression pour tous et la typographie, a traversé les âges avant de devenir universelle.

Dans un article publié par Ouragan.cd, la professeure Madeleine Mbongo Pasi présente cette évolution, depuis la civilisation écrite européenne jusqu’à l’ère numérique.

Elle souligne que le droit à la parole et à l’écrit était initialement un privilège réservé au clergé. Les révolutions anglaise de 1688 et française de 1789 ont permis à la bourgeoisie d’accéder à ce droit. La Déclaration de 1789, en son article 11, a transformé ce privilège en un droit d’expression pour tous.

Cependant, la professeure précise que ce droit n’a jamais été totalement accessible. Il se manifestait dans des lieux spécifiques : la chaire, le perchoir, ou l’écrit : « S’exprimer nécessitait de savoir écrire. Rappeler que nul n’est censé ignorer la loi (écrite) confine les analphabètes à une forme d’esclavage. »

La liberté d’expression et d’opinion était principalement le domaine des écrivains, qui avaient accès à la technologie d’impression au 15e siècle. Entre le 15e et le 18e siècle, l’État monarchique a imposé l’imprimatur, instaurant une censure stricte.

Puis est survenue l’invention de la typographie par Gutenberg. Cette technologie a radicalement réduit les délais de publication : « L’imprimatur s’est transformé en autorisation de paraître. » La première victime de cette évolution fut l’Église catholique. Martin Luther, moine allemand, a multiplié et diffusé la Bible à grande échelle, tandis que les écrits périodiques ont évolué vers des éditions quotidiennes, libérant les journalistes de la fiction des écrivains.

Avec l’avènement de la liberté de la presse, Madeleine Mbongo Pasi explique que les journalistes, parmi ceux qui savaient écrire, ont acquis un privilège supplémentaire : le contrôle des moyens d’expression. Ils sont devenus les principaux acteurs de l’accès à l’information : « Ce quasi-monopole a conduit à des abus, à une mediacratie, où la liberté de la presse est devenue un droit exclusif. »

Aujourd’hui, la liberté numérique, portée par les avancées informatiques et les puces numériques, a démocratisé la création, la diffusion et la réception du savoir. Désormais, le monde entier a récupéré aux journalistes ce qu’ils avaient précédemment usurpé aux écrivains.

« Hélas ! Les codes numériques et les autorités de régulation se posent en censeurs conservateurs d’un ordre journalistique établi depuis cinq siècles. Pourtant, un nouveau journalisme est déjà en gestation, et son père s’appelle GAFAM. Les experts du domaine doivent se préparer à cette évolution », conclut-elle.

GLODY NDAYA