RDC – Enquête exclusive : Le docteur Vincent Lokonga, un faux sauveur qui tue à petit feu

Dans les couloirs aseptisés de certains hôpitaux de Kinshasa, la douleur ne vient pas seulement de la maladie, mais aussi de la trahison. Celle d’un médecin en blouse blanche, supposé guérir, mais qui, dans l’ombre, a bâti un empire financier sur la souffrance de ses patients. Le docteur Vincent Lokonga, oncologue médical est aujourd’hui au cœur d’un scandale sanitaire d’une ampleur inédite : la vente illégale de médicaments anti-cancer destinés à être gratuits. Pire encore, plusieurs familles l’accusent d’avoir contribué à la mort de leurs proches par des pratiques frauduleuses et inhumaines.

Le scénario semble tout droit sorti d’un thriller médical. Le docteur Lokonga, réputé dans le milieu hospitalier de la capitale pour sa disponibilité et sa « compétence » apparente, aurait profité de sa position pour monnayer des traitements que l’État congolais, via le Programme National de Lutte contre le Cancer (PNLC), met gratuitement à disposition des patients cancéreux. Selon nos sources, chaque traitement « vendu » pouvait coûter entre 2 000 et 10 000 dollars américains, une somme astronomique pour des familles souvent déjà à bout de souffle.

Notre équipe d’enquête s’est rendue au Bureau national de la lutte contre le cancer, où un haut cadre du programme, sous couvert d’anonymat, a confirmé : « Tous les médicaments sont gratuits. Ils sont fournis par l’État avec l’appui de partenaires. Aucune structure publique ne peut exiger un paiement pour leur administration. »

Pourtant, dans les hôpitaux où exerce le docteur Lokonga, les facturations illégales sont systématiques. Une surveillance discrète menée pendant deux semaines dans une aile de l’hôpital CHIP, situé dans la commune huppée de la Gombe, a permis de recueillir plusieurs témoignages de familles arnaquées. Certains ont même contracté des prêts, vendu des biens ou hypothéqué leurs terres pour sauver leurs proches — en vain.

Le cas de Lokonga n’est pas nouveau. En 2016, il avait été chassé des Cliniques Universitaires de Kinshasa après avoir été surpris en flagrant délit de vente frauduleuse de certificats de décès. À l’époque, c’est le Professeur Nsambi qui avait décidé de sa radiation. Comment a-t-il pu réintégrer discrètement le système de santé public ? C’est l’un des angles morts de cette affaire, que l’ordre des médecins n’a jamais éclairci.

Selon nos informations, le docteur Lokonga n’est pas seul. Il serait la face visible d’un réseau plus vaste, impliquant des agents de pharmacie, des comptables hospitaliers et même certains chefs de services. Les médicaments détournés, initialement offerts par le gouvernement ou les ONG, sont revendus sur le marché parallèle ou à des patients désespérés. « Il ne se rend pas compte qu’il fait partie d’une entreprise criminelle. Ou peut-être qu’il le sait très bien, et en vit royalement », accuse un médecin du même hôpital sous anonymat.

En République démocratique du Congo, le cancer est devenu une condamnation à mort pour les plus pauvres, non pas à cause du manque de traitements, mais à cause d’une mafia médicale organisée. À la douleur de la maladie s’ajoute l’injustice d’un système corrompu. « Ces pratiques torpillent les efforts du chef de l’État qui milite pour la gratuité des soins de santé », déplore un membre du cabinet du ministère de la Santé.

Le cas du docteur Lokonga ne peut plus être ignoré. L’ordre des médecins est appelé à statuer de toute urgence. Le gouvernement et la justice congolaise doivent interpeller cet homme et démanteler les réseaux mafieux dans le secteur médical. « Il ne s’agit plus d’un simple abus de fonction. Ce médecin est un ennemi de la République, il doit répondre devant la loi », affirme Maître B., avocat..

Face à l’indignation croissante, une pétition citoyenne circule pour exiger l’arrestation immédiate du docteur Lokonga et la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur le détournement des médicaments anti-cancer en RDC.

À l’heure où nous publions cet article, plusieurs familles ont porté plainte et une saisine du parquet général de la Gombe est en préparation.

Le docteur Vincent Lokonga a franchi la ligne rouge : celle entre soigner et exploiter. Derrière sa blouse blanche se cache un homme qui a préféré le profit à la vie humaine. Pour que justice soit faite, il est temps que les autorités réagissent — et que la RDC cesse d’être le paradis des criminels en blouse blanche.

Par une cellule d’enquête indépendante | Kinshasa, juillet 2025