Désordre sur les droits d’auteur en RDC : Le bonheur du clan Nyoka et clan Bula (Chronique Part 1)

Depuis la création de la Société Congolaise des Droits d’Auteur et des Droits Voisins – SOCODA -, le secteur des droits d’auteur en République Démocratique du Congo est marqué par une suite de conflits, de confusions, de dilapidations présumées, de batailles judiciaires, et d’un bicéphalisme de fait entre deux clans, celui de Jossart Nyoka Longo – appelé souvent « clan Nyoka » – et celui de Blaise Bula – que l’on peut appeler « clan Bula »-.

Ce désordre affecte lourdement les artistes, les créateurs, les ayants droit, et les institutions culturelles. Voici un récit chronologique des principales étapes du chaos, avec les acteurs, les revendications, les décisions judiciaires et les enjeux en jeu.

Les fondations et l’édifice légal, de l’ordonnance de 2011

Le point de départ officiel est l’ordonnance présidentielle n°11/022 du 18 mars 2011 portant autorisation d’une société coopérative nommée SOCODA. L’ordonnance visait à créer un organisme coopératif de gestion collective des droits d’auteur et droits voisins, remplaçant les structures antérieures (dont la Société nationale des éditeurs, compositeurs et auteurs – SONECA), abrogées dans les dispositions finales de cette ordonnance. 

L’intention officielle, légaliser, clarifier, centraliser la collecte et la distribution des droits, tout en respectant les normes internationales. Mais dès ses débuts, SOCODA a dû faire face à des défis d’organisation, de transparence, d’adhésion des exploitants (radios, TV, dancings…), et surtout des contradictions internes quant à sa gouvernance.

L’ère de Jossart Nyoka Longo, leadership contesté

Jossart N’Yoka Longo, chanteur de renom, est élu Président du Conseil d’Administration (PCA) de la SOCODA. Le clan Nyoka s’appuie sur sa notoriété, son expérience dans la musique rd-congolaise, et sa base électorale parmi les artistes pour asseoir son pouvoir. 

Il se présente comme propriétaire moral de ce poste, entendant diriger la SOCODA selon son orientation. Mais très vite, des critiques émergent quant à sa gestion, la transparence, et la capacité de la structure à redistribuer les droits d’auteur efficacement.

En novembre 2022, les sociétaires de la SOCODA dénoncent que Nyoka Longo aurait dilapidé plus de 80 000 dollars américains en environ une année de mandat.  Le rapport mentionne des dépenses jugées excessives ou non prévues : prime personnelle, carburant pour véhicule, communication personnelle, soins médicaux, entretien du parc automobile, avances sur droits d’auteur, etc. Ce comportement provoque le mécontentement chez les sociétaires. 

Conflits internes & contestations judiciaires

Nyoka Longo est critiqué pour son style autoritaire : ne pas consulter certains administrateurs, prendre des décisions unilatérales, ignorer le Directeur Général ou le conseil d’administration sur des questions financières ou de répartition. 

En février 2023, une assemblée générale convoquée par la ministre de la Culture, Catherine Kathungu Furaha, est contestée. Le camp Nyoka Longo la présente comme irrégulière, dénonçant des irrégularités dans la convocation, la qualité de certains coopérateurs présents, le respect des textes. La Cour d’appel de Kinshasa/Gombe rend un arrêt exécutoire le 24 avril 2023 (arrêt RCA 39.022), qui conforte le Conseil d’administration de Nyoka Longo dans ses droits, et annule une assemblée générale qui avait visé à installer Blaise Bula. 

L’ascension du clan Bula, contre-offensive, sit-in et contestation

En février 2023, Blaise Bula est élu Président du Conseil d’Administration lors d’une A.G. convoquée par la ministre de la Culture, selon le camp Bula. Son équipe comprend Franck Dikisongele, Patrice Ngoyi Musoko, Maïka Munan, Ados Ndombasi, Sec Bidens Bidiampasi, Maguy Djuma, Mbaki Mazakala, Media Mbembe, Yves Kiamuangana, Albert Yamaina. Le conseil de surveillance est dirigé par Alex Dende “Lexxus Légal”. 

Ce renouvellement, aux yeux de ses partisans, devait apporter un souffle nouveau, plus de transparence, une meilleure répartition des redevances, et la reddition des comptes de l’ère Nyoka. 

Sit-in et revendications

Blaise Bula lance une “révolution culturelle” pour dénoncer le laxisme de la SOCODA sous l’ère Nyoka et critiquer les retards dans la collecte et la répartition des droits d’auteur. Il invite les artistes à un sit-in au siège de SOCODA pour déposer un mémorandum exigeant une Assemblée générale extraordinaire, la restitution des bilans des gestionnaires actuels (incluant le Directeur Général Michel Agu et le PCA N’Yoka Longo). 

Justice, arrêts et retour de bâton

Le camp Nyoka réussit en justice un arrêt qui annule certaines décisions prises par le camp Bula. Par exemple l’arrêt du 24 avril 2023 qui annule l’assemblée générale du 9 février 2023 convoquée par le camp Bula. Mais Bula et ses alliés ne se laissent pas décourager et continuent à dénoncer la gestion, l’opacité, et l’absence de reddition des comptes. 

Crises structurelles : insolvabilité, inefficacité, absence de répartition

En octobre 2024, la SOCODA est déclarée dans l’incapacité de payer les droits d’auteur aux artistes. La cause : l’insolvabilité de ses assujettis (radios, chaînes TV, dancings) qui ne s’acquittent plus des redevances dues.

Le secrétaire général, Gari Kula, pointe la violation des règlements, le non respect de l’arrêté qui impose aux exploitants de fournir les relevés d’exploitation des œuvres (titres, noms d’artistes, minutage) pour permettre le calcul et la rétrocession des montants dus. 

La suite de cet article, à lire le mercredi 1er octobre 2025 à 18h00’, heure de Kinshasa.

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