Désordre sur les droits d’auteur en RDC : Le bonheur du clan Nyoka et clan Bula (Chronique Part 3)

Depuis la création de la Société Congolaise des Droits d’Auteur et des Droits Voisins – SOCODA -, le secteur des droits d’auteur en République Démocratique du Congo est marqué par une suite de conflits, de confusions, de dilapidations présumées, de batailles judiciaires, et d’un bicéphalisme de fait entre deux clans : celui de Jossart Nyoka Longo – appelé souvent « clan Nyoka » – et celui de Blaise Bula – que l’on peut appeler « clan Bula ».

Ce désordre affecte lourdement les artistes, les créateurs, les ayants droit, et les institutions culturelles. Voici un récit chronologique des principales étapes du chaos, avec les acteurs, les revendications, les décisions judiciaires et les enjeux en jeu.

Qui profite vraiment ? Le « bonheur » du clan Nyoka et du clan Bula

Les deux clans se battent pour le contrôle institutionnel de la SOCODA, car le contrôle signifie la capacité de décider qui perçoit quoi, quand, comment, et d’attribuer les ressources. Cela crée des opportunités pour des usages personnels (primes, avantages divers, décisions unilatérales). Nyoka Longo est accusé à plusieurs reprises de dilapidation et d’abus.

Beaucoup des supporters du clan Bula pointent le fait que Nyoka a des alliés dans la magistrature et le judiciaire, ce qui lui permet de faire valider certaines décisions controversées. Le clan Bula, quand il gagne une assemblée ou un arrêté, doit souvent faire face à des contre-attaques judiciaires.

Les bilans financiers, les rapports d’activité, les données sur les exploitations d’œuvres, la liste des ayants droit servis (et ceux non servis), les critères de répartition sont souvent absents ou partiellement communiqués. Cela nourrit la méfiance.

Les créateurs, surtout dans les provinces, se plaignent du fait qu’ils ne connaissent pas les calendriers de répartition, que leurs œuvres ne sont pas toujours prises en compte – soit par retard des relevés, soit par absence de reconnaissances, soit par défaut d’inscription. Beaucoup disent ne rien percevoir, ou en tout cas pas ce qui devrait légalement leur revenir.

Pourquoi ce désordre persiste : causes profondes

L’ordonnance de 2011, l’ancienne loi de 1986, les règlements d’application, les arrêtés ministériels sont souvent cités, mais leur application est lacunaire. Certains arrêtés sont contestés pour leur légitimité ou leur portée. 

Le respect par les exploitants des obligations de déclaration des œuvres exploitées, des relevés, etc., est faible. L’arrêté 016 (appliquant le règlement sur la collecte et la déclaration) n’est pas bien appliqué. 

Le rôle du PCA est fréquemment mis en cause quant à l’usage des fonds, aux frais personnels, aux décisions hors mandat, au faible nombre de réunions du conseil d’administration, etc. Le cas de Nyoka Longo et des dépenses de plus de 80 000 USD en est un exemple saisissant.

Le manque d’indépendance ou de contre-pouvoir : le DG de la SOCODA, les administrateurs, les coopérateurs n’ont pas toujours les moyens de vérifier ou sanctionner les abus.

Faiblesse des structures de contrôle

Le judiciaire est souvent saisi, mais les décisions s’empilent sans toujours produire de changements concrets. Les arrêtés ministériels sont contestés ; les Assemblées générales sont annulées ou remises en cause. Le fonctionnement même de la coopérative est souvent paralysé par les procédures.

Le ministère de la Culture, Arts et Patrimoines est à la fois tutelle et acteur dans les conflits, ce qui complique la neutralité. Les ministres successifs sont accusés d’ingérence. 

*Manque d’engagement ou de respect de la part des exploitants*

Les radios, les télévisions, les dancings, les magasins, les organisateurs d’événements …, beaucoup ne payent pas les redevances, ne font pas les déclarations, tardent à le faire. Cela fragilise les finances de la SOCODA, empêche la répartition.

Vers où va-t-on ? Réformes annoncées, impératives

La mise en place par Yolande Élebe (ministre de la Culture, Arts et Patrimoine) à fin 2024, pour diagnostiquer, proposer des textes révisés, clarifier les missions, restaurer la confiance.

La révision de l’Ordonnance-loi 86-033 de 5 avril 1986, adapter le cadre à la digitalisation, aux usages modernes (streaming, plateformes numériques), garantir que tous les exploitants paient, que toutes les œuvres soient prises en compte de façon équitable.

La transparence financière, reddition de comptes régulière, implication des artistes et coopérateurs dans les décisions, fréquence régulière des réunions, contrôle des dépenses du PCA, etc. Le camp Bula a fait de ces points des axes de revendication. 

Prendre en compte les artistes hors de Kinshasa, raccourcir les délais de collecte des relevés provinciaux, garantir que la répartition ne soit pas Kinshasa-centrée. L’affaire du Lualaba en mars 2025 est un test. 

L’urgence d’un sursaut national

Le désordre persistant dans la gestion des droits d’auteur en RDC profite surtout à ceux qui contrôlent les structures : PCA, comités de direction, certains exploitants complices, clans d’influence. Le clan Nyoka comme le clan Bula, chacun à leur manière, ont été au cœur des manœuvres de pouvoir, des débordements, des promesses non tenues.

Mais les véritables perdants, ce sont les artistes, les créateurs, ceux qui vivent de la musique, du théâtre, de l’écriture : beaucoup n’ont jamais vu leurs droits, ou bien rarement ; d’autres attendent des années avant qu’une répartition ne vienne, si jamais.

La RDC ne peut plus continuer à tolérer cette situation. À l’heure où la culture est reconnue comme levier de développement, secteur d’exports, de diplomatie douce, de cohésion nationale, il devient vital que le pouvoir rd-congolais — gouvernement, ministères concernés, institutions judiciaires — prenne des mesures fortes : libéraliser la gestion, instituer des organes de contrôle indépendants, veiller à la transparence, sanctionner les abus.

Il sied de noter que cet article est une compilation d’articles de plusieurs médias paraissant en République Démocratique du Congo dont Factuel.cd, Arts.cd, Ouragan.cd et l’Agence congolaise de presse ainsi que notre propre média qui depuis plus d’une décennie s’intéresse à cette question des droits d’auteur et droits voisins.

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