Fally Ipupa : Stade de France, le triomphe d’un pactole pour ses musiciens de Kinshasa (Chronique)

CHRONIQUE – Le 2 mai 2026, Fally Ipupa ne fera pas qu’un concert, il inscrira une date de légende au Stade de France. La star congolaise de 47 ans, icône internationale de la Rumba urbaine, s’apprête à faire vibrer 80 000 fans, multipliant les recettes de la billetterie pour atteindre un chiffre d’affaires vertigineux !

Mais derrière les lumières éblouissantes de la scène, se cache une mécanique financière impitoyable. Qui paie quoi ? Et, surtout, quel est le sort réservé à sa fidèle troupe de musiciens et danseurs, venus spécialement de Kinshasa ? Les musiciens savent-ils ce qu’ils peuvent gagner grâce à cette production ?

Les chiffres !

Le Producteur Gérard Drouot Productions (GDP), qui a pris le risque initial du cachet pharaonique de Fally soit entre 50% et 60% des recettes doit forcément faire une grosse affaire. Le guichet fermé lui assure un bénéfice net estimé à plusieurs millions d’euros, partant de la formule : Marge Nette de la Billetterie = Recettes Brutes – Cachet de l’Artiste + Coûts de Production + Coûts de Location/Coréalisation.

Avec un prix moyen du billet estimé à 120€, le chiffre d’affaires brut total de la billetterie atteint près d’une dizaine de millions d’euros. 80.000 x 1 soir x 120 € (pris moyen estimatif) = 9.600.000€ auquel s’ajoutent les juteux contrats de sponsoring et la manne des produits dérivés.

Mais la rentabilité dépend d’une gestion légale impeccable, surtout pour la cinquantaine de talents expatriés : Le CDD d’usage pour les musiciens et danseurs kinois

En France, la loi ne transige pas avec les stars. Pour le Producteur, pas question de simple « aide de poche » pour l’équipe de Fally :

Oubliez le statut d’intermittent français !

Les musiciens de Fally venus de Kinshasa, seront embauchés en CDD d’usage, avec l’obligation pour le Producteur de verser toutes les cotisations sociales françaises (URSSAF).

Une protection sociale et une charge patronale massives, qui garantissent au musicien un salaire à la hauteur des normes européennes.

Quid de la double rémunération ?

Le concert va être filmé ? C’est le Graal ! Contrairement à une simple prestation, une production filmée pour une diffusion future (télévision, VOD, streaming) déclenche un mécanisme de double rémunération en France.

En effet, pour les jours de répétition et les soirs de concert, lese musiciens et danseurs Kinois sont des salariés du Producteur français, embauchés en CDD d’usage. Ils doivent percevoir un salaire brut (cachet) au moins égal aux minima conventionnels du spectacle vivant français, sans quoi le Producteur enfreint le droit du travail.

S’agissant de la rémunération pour l’exploitation vidéo, c’est la clé de voûte! Dès qu’il y a captation, le Producteur doit obtenir la cession des droits d’artiste-interprète des musiciens et danseurs. Cette cession n’est jamais gratuite ! Elle s’accompagne obligatoirement d’une somme forfaitaire versée en sus du salaire pour chaque artiste.

De ce fait, même un musicien de Kinshasa non affilié à l’ADAMI ou à la SPEDIDAM doit toucher ce montant additionnel. Le Producteur paie directement ce montant pour sécuriser les droits de diffusion du concert-événement.

En conséquence, l’enregistrement est un produit de luxe qui sera vendu probablement à Canal+. Pour avoir le droit d’exploiter les images des musiciens et danseurs, les musiciens doivent bénéficier, en plus de leur cachet, une somme forfaitaire supplémentaire au comptant. C’est le prix de leur image et de leur art, un chèque que même les non-affiliés doivent recevoir pour céder leurs droits.

Et le Fisc dans tout ça ?

L’administration fiscale française ne plaisante pas. Dès que le talent congolais pose le pied à Saint-Denis, son salaire est soumis à l’impôt français.

Le Producteur devient l’agent du Trésor Public, contraint de prélever une Retenue à la Source (RAS) de 15% sur le salaire net imposable de la troupe. Une obligation légale suivant les prescrits de l’article 182 bis du Code Général des Impôts, qui assure que l’État français tire son dû du spectacle, avant même que les artistes ne prennent l’avion du retour. Cette retenue de 15% s’applique sur une base qui est égale à 90% du net imposable (un abattement de 10 % est accordé au titre des frais professionnels).

Pour tout dire, le Stade de France de Fally Ipupa est plus qu’un concert ; c’est un ballet de millions où le succès de l’artiste congolais est payé à la juste valeur de l’effort collectif. Ses musiciens de Kinshasa repartiront non seulement avec le souvenir d’un triomphe, mais avec des salaires et des droits pouvant être négociés à plus de 10.000 € (sans contre-lettre) qui, pour une fois, sont proportionnels à l’éclat de leur star.

C’est le concert de leur vie, plus question d’un cachet forfaitaire de 200 €. Ces musiciens de Kinshasa ont pleinement le droit d’en tirer profit surtout par rapport à l’exploitation de la vidéo du concert.

Chronique de Maître Muabila Glody