Heineken tourne une page sensible de son histoire en République Démocratique du Congo. Le groupe néerlandais a décidé de céder sa brasserie de Bukavu, au Sud-Kivu, à la société mauricienne Synergy Ventures Holdings Ltd. pour un euro symbolique, dans un contexte sécuritaire fragilisé par l’avancée de l’AFC/M23.
Cette décision, révélée par Business Insider Africa, le jeudi 20 novembre 2025 et confirmée par un communiqué relayé par Reuters, intervient alors que Bukavu traverse de fortes tensions liées à la présence des rebelles dans la région.

Un choix dicté par l’urgence humanitaire
Heineken justifie cette cession par « un objectif humanitaire » : préserver les emplois, sécuriser les moyens de subsistance, maintenir les services essentiels à la communauté et éviter toute utilisation abusive des installations dans une zone devenue imprévisible.
La brasserie de Bukavu, autrefois l’un des pôles industriels majeurs de l’est du pays, a connu d’importantes perturbations depuis que l’AFC/M23 a consolidé son contrôle dans plusieurs localités environnantes en début d’année. En juin, Heineken avait déjà rapatrié une partie de son personnel, ayant perdu la main sur plusieurs opérations dans la région.
Synergy Ventures aux commandes
Le transfert de propriété devrait être finalisé d’ici la fin de l’année. À partir de là, Synergy Ventures assumera :
• la gestion complète des opérations,
• la sécurité des employés,
• le paiement des taxes et obligations fiscales,
• ainsi que la préservation des infrastructures dans une zone devenue stratégique.
La brasserie employait environ mille personnes, directement et indirectement. Cette reprise vise avant tout à éviter un effondrement socio-économique local.
Heineken conserve toutefois une option de rachat valable trois ans, au cas où les conditions sécuritaires permettraient un redémarrage stable de la production.

Un contexte national tendu
Plus tôt dans l’année, Heineken avait suspendu ses activités dans trois villes dans l’Est de la RDC, après des dégâts importants : brasseries endommagées, entrepôts pillés, chaînes logistiques interrompues en pleine confrontation entre forces gouvernementales et rebelles.
La filiale rd-congolaise du groupe, Bralima, continue néanmoins d’opérer dans les régions épargnées par les combats, maintenant sa production et sa distribution dans le reste du pays.
Des résultats continentaux en recul
Les tensions en Rd-Congo s’ajoutent à une série de difficultés rencontrées par Heineken en Afrique, notamment en Éthiopie, au Kenya et au Mozambique. En 2024, le groupe affichait un chiffre d’affaires de 4,13 milliards d’euros en Afrique et au Moyen-Orient, en baisse de 2,3 %. Les volumes de vente ont chuté à 29,5 millions d’hectolitres, contre 34,8 millions en 2023.

Un symbole fort dans une région sous pression
La cession de la brasserie de Bukavu, symbole économique régional, illustre la gravité de la situation à l’est du pays. Dans un climat marqué par l’incertitude et les avancées de l’AFC/M23, ce transfert vise avant tout à éviter une disparition pure et simple d’un outil industriel clé pour des milliers de familles.
Le sort de la brasserie et de ses employés dépendra désormais de la capacité de Synergy Ventures à maintenir l’activité dans une ville où la stabilité reste un défi quotidien.
Il importe de souligner que, hormis Heineken, de nombreux investisseurs rd-congolais et étrangers ont vu leurs biens détruits et leurs entreprises sombrées dans la faillite. Une conjoncture dramatique qui n’a profité qu’aux rebelles de l’AFC/M23 et à leur allié, la République du Rwanda. Les préjudices financiers, matériels et même humains semblent difficilement réparables, y compris pour les sociétés disposant d’une couverture d’assurance. D’après nos informations, plusieurs compagnies d’assurances ont elles-mêmes été pillées.
DANNY KABANGA