Après la disparition de Jean Bélis Mfumu, Nico Buakongo et Kis Kisolokele : Que devient l’histoire du clan Wenge ?

Depuis la disparition de Jean Bélis Mfumu, Nico Buakongo et Charles Kisolokele dit Mbuta Kis, figures respectées du clan Wenge, une question secoue l’opinion rd-congolaise : qui détient encore la vraie version de l’histoire du clan Wenge ? Et surtout, qui croira aujourd’hui à la version de Didier Masela, le fondateur ?

Les souvenirs se brouillent, les témoignages se contredisent et les ambitions personnelles effacent peu à peu la mémoire collective. Le mythe Wenge, cette légende urbaine née à Bandalungwa dans les années 1980, s’éparpille entre récits arrangés, rancunes d’anciens camarades et déclarations de gloire personnelle.

Les débuts : la vision d’un jeune rêveur

Tout commence réellement en 1981, lorsque Didier Masela réunit quelques amis autour d’un projet musical inspiré par la rumba, la pop rd-congolaise et les sonorités venues de Victoria Eleison du King Kester Emeneya. Ensemble, ils fondent un petit groupe d’adolescents passionnés, bientôt baptisé Wenge Musica.

À cette époque, l’ambition est simple : chanter différemment, avec des harmonies vocales inédites, une guitare rythmique fluide et des textes de jeunesse. Masela, visionnaire et leader naturel, s’impose comme l’âme du projet. Il sera plus tard surnommé le Père spirituel du clan Wenge.

Mais au fil des années, les alliances se multiplient, les caractères s’affirment, et le groupe évolue. Ce qui n’était qu’un collectif de quartier devient une école de stars : Werrason, JB Mpiana, Wes Koka, Aimé Buanga, Alain Makaba, Ricoco Bulambemba et Zing Zong. Suivis de l’arrivée progressive de Blaise Bula, Maradona, Adolphe Dominguez, Marie Paul, Alain Mpela, Manda Chante, Burkina Faso, Patient Kusangila et tant d’autres, ont tous gravité autour de cette constellation musicale.

Les divergences : quand la gloire s’invite dans la maison

Comme dans toute grande histoire, la lumière attire l’ombre. À mesure que Wenge Musica 4×4 Tout Terrain Les Anges Adorables gagne en notoriété, les tensions internes s’accentuent. Les égos se frottent, les ambitions divergent, et les langues se délient.

L’année 1997 reste une césure dans la mémoire collective : la grande scission. Wenge explose, se divise, et donne naissance à deux pôles majeurs — Wenge BCBG de JB Mpiana et Wenge Musica Maison Mère de Werrason.

Mais avant cette séparation légendaire, Didier Masela et Adolphe Dominguez tentaient encore de garder la cohésion, en prônant un retour à l’esprit originel : la fraternité et la loyauté. En vain. Bien avant, en 1992, Marie Paul avait réussi de débaucher et de recruter certains visages remarquables tels que Ricoco Bulambemba, Zing Zong, Maradona et Manda Chante.

Après la mort des gardiens de la mémoire

Avec les décès successifs de Jean Bélis Mfumu, Nico Buakongo et Kis Kisolokele Charles, c’est une partie de la mémoire orale du clan qui s’efface à jamais. Ces trois figures, souvent discrètes dans les médias, jouaient pourtant un rôle crucial de médiateurs et de témoins des origines.

Ils connaissaient les débuts, les répétitions de fortune, les amitiés sincères et les premiers concerts de quartier. Aujourd’hui, sans eux, la vérité se dilue dans les récits fragmentés. Chacun, selon sa place dans l’histoire, revendique une part de paternité ou minimise celle des autres.

Les interviews se multiplient, les versions divergent, et l’histoire du clan Wenge devient un terrain de bataille symbolique : entre ceux qui étaient « là dès le départ » et ceux qui « ont fait briller le nom ».

La mémoire collective menacée

Aujourd’hui, à Kinshasa, dans les milieux musicaux comme sur les réseaux sociaux, on rediscute la chronologie : qui a amené qui ? Qui a composé quoi ? Qui a initié la scission ?

Les fans se divisent, les anciens membres s’affrontent à distance, et les jeunes générations, fascinées par la gloire passée, ne savent plus distinguer la vérité du mythe.

Or, sans récit commun, le clan Wenge risque de se perdre dans la confusion. Il manque un travail de mémoire, un véritable document d’archives ou un film documentaire qui retrace, avec rigueur et neutralité, cette épopée musicale qui a marqué la culture rd-congolaise moderne. Et pourtant, 95% des soldats de premières minutes de Didier Masela sont encore vivants dans la musique et dans d’autres domaines.

Et si on revenait à l’essence ?

Plus de 40 ans après la naissance du mouvement, l’heure est peut-être venue de réconcilier les mémoires. Car, au-delà des divisions, Wenge Musica, sous toutes ses déclinaisons, reste un symbole : celui de la créativité rd-congolaise, de la jeunesse audacieuse et du rêve d’unité artistique.

Reconnaître le rôle de Didier Masela, c’est aussi rendre justice à la vérité historique. Mais cela ne doit pas effacer la contribution des autres pionniers. Wenge, c’est une constellation de talents, un mouvement collectif qui a transformé à jamais la musique rd-congolaise. Quid du chapelet de bonnes intentions présentées par le producteur Amadou Diaby en 2022 lors de la « réconciliation » sur mesure du Wenge Musica Originel.

À la question « Quelle est la vraie version de l’histoire de Wenge Musica BCBG 4×4 Tout Terrain Les Anges Adorables ? », la réponse reste plurielle. Chaque témoin en détient une part, chaque musicien en incarne une facette.

Didier Masela, le silencieux ?

Souvent dans l’ombre, parfois marginalisé par ses propres disciples, Didier Masela reste ferme sur sa position : « Wenge, c’est moi qui l’ai créé. J’en ai porté la vision, j’en ai souffert, et j’en garde la flamme ».

Mais le public, lui, ne sait plus à quel récit se fier.
Certains voient en lui le fondateur oublié, d’autres un témoin du passé qui refuse d’admettre l’évolution du mythe. Pourtant, plusieurs archives, photos et témoignages confirment son rôle de bâtisseur.

Masela, c’est l’esprit originel, celui qui rêvait d’un orchestre basé sur la fraternité, la créativité et l’unité. Un idéal que les querelles d’ego et les entourages (bureaux) ont fini par trahir.

Mais s’il faut un point de départ incontestable, il s’appelle Didier Masela. Et tant qu’il reste vivant, sa parole mérite d’être entendue, non pas comme une revanche, mais comme un devoir de mémoire envers une génération qui a fait vibrer tout un continent et sa diaspora. Qui croira à la version de Didier Masela, le fondateur ?

CINARDO KIVUILA