Événementiel en RDC : Une industrie en quête de structuration et de professionnalisation

L’événementiel en République Démocratique du Congo est un secteur en pleine effervescence, alimenté par l’essor de la culture, de la musique, des marques, du sport et du numérique. Pourtant, derrière les strass et les paillettes des grands shows et festivals, se cachent de nombreux défis structurels, professionnels et économiques qui freinent son développement.

Entre carences logistiques, absence de cadre juridique adapté et manque de formation, l’industrie peine à s’imposer comme un véritable levier économique national.

Dans les grandes villes comme Kinshasa, Lubumbashi ou Goma, les événements – concerts, conférences, salons, mariages, lancements de produits ou événements religieux se multiplient. Ils témoignent d’un dynamisme culturel indéniable. Cependant, la majorité des acteurs opèrent dans un environnement informel, sans cadre professionnel bien défini.

« Tout le monde peut se déclarer organisateur d’événements, sans formation, sans compétence, sans planification, sans assurance, ce qui impacte directement la qualité des prestations », déplore un professionnel du secteur basé à Kinshasa.

Cette informalité rend difficile la mise en place de standards de qualité et pénalise les acteurs sérieux qui investissent dans du matériel, des équipes compétentes et une démarche professionnelle.

Problèmes majeurs identifiés

1. Absence de régulation et reconnaissance institutionnelle

Il n’existe à ce jour aucun cadre juridique spécifique qui reconnaît ou régule les métiers de l’événementiel en RDC. Résultat : les entreprises de l’événementiel ne sont pas accompagnées par les politiques publiques et n’ont aucun statut clair.

2. Manque d’infrastructures adaptées

Les salles de spectacles, centres de conférences ou stades sont souvent mal équipés, peu entretenus ou sous-exploités. Les rares lieux disponibles affichent des prix élevés, sans justifier d’une qualité technique – son, lumière, sécurité – à la hauteur des attentes professionnelles.

3. Carence de formation professionnelle

Le secteur souffre d’un déficit criant en formation spécialisée. Pas d’écoles ou d’instituts proposent des cursus liés à la gestion de projets événementiels, à la technique de scène, à la communication événementielle ou à la production de spectacles vivants. Toutes les écoles de sciences de l’information et de la communication de Kinshasa et des autres provinces n’envisagent pas encore des formations pour les « professionnels » et les aspirants étudiants en événementiel.

4.Financement quasi inexistant

Les organisateurs ont du mal à accéder au crédit ou à des fonds d’investissement. Les banques restent frileuses à financer des événements jugés risqués, surtout en l’absence d’assurances événementielles, de plans d’affaires solides ou d’étude de marché préalable.

5. Manque de professionnalisation de la chaîne de valeur

La chaîne de valeur événementielle – producteurs, prestataires, techniciens, artistes, communicants, médias – est souvent fragmentée. Il y a peu de coordination, ce qui engendre des retards, des conflits, voire des échecs d’événements, parfois très médiatisés.

Des conséquences lourdes sur la croissance du secteur

Cette désorganisation engendre un manque à gagner économique énorme pour le pays. L’événementiel pourrait pourtant créer des milliers d’emplois directs et indirects, attirer des sponsors internationaux, renforcer l’image du pays à l’étranger et contribuer à la fiscalité nationale.

« Tant que ce secteur ne sera pas structuré, nous continuerons à organiser des événements de façon artisanale, avec des résultats très aléatoires », explique une consultante en communication d’événements à Goma.

Des solutions concrètes à portée de main

1. Mise en place d’un cadre légal et institutionnel

Il est impératif que le gouvernement rd-congolais, via les ministères de la Culture, du Tourisme, de la Jeunesse et des PME, élabore une politique publique de soutien à l’événementiel. Cela passerait par une loi reconnaissant les métiers de l’événementiel, accompagnée d’un cadre fiscal incitatif pour les investisseurs et sponsors.

2. Création d’une Fédération nationale de l’événementiel

Une fédération nationale indépendante, regroupant les acteurs du secteur – agences, prestataires, artistes, techniciens, lieux -, permettrait de structurer l’industrie, de définir des standards de qualité, de négocier collectivement avec les autorités et les sponsors, et de créer un répertoire officiel des professionnels agréés.

3. Investissements dans les infrastructures

Les pouvoirs publics et les opérateurs privés doivent réhabiliter ou construire des espaces adaptés à tous types d’événements : centres de congrès, auditoriums, espaces modulables, avec une attention particulière sur la sécurité, l’accessibilité et la technologie.

4. Création d’écoles spécialisées et de programmes de formation

Il est nécessaire de former la nouvelle génération d’organisateurs, régisseurs, techniciens et communicants via des partenariats avec des écoles locales et internationales, en proposant des diplômes ou certifications dans les métiers de l’événementiel.

5. Soutien financier et fiscal au secteur

Des fonds spécifiques pour l’événementiel – publics ou mixtes – devraient être mis en place pour encourager les porteurs de projets crédibles. Par ailleurs, des incitations fiscales pourraient être proposées aux entreprises qui soutiennent ou sponsorisent des événements culturels ou économiques.

En investissant dans ce secteur, la République Démocratique du Congo pourrait mieux valoriser sa diversité culturelle, attirer les diasporas, stimuler le tourisme et renforcer son influence régionale. Des événements bien organisés peuvent contribuer à l’image positive du pays, créer de la cohésion sociale et offrir une plateforme d’expression à la jeunesse.

Une industrie à potentiel, mais à encadrer d’urgence

L’événementiel rd-congolais est un gisement d’opportunités encore sous-exploité. Pour qu’il devienne un moteur économique et culturel national, il faut le structurer, le professionnaliser et l’encadrer. C’est à ce prix que les organisateurs, les artistes, les marques et le public pourront enfin évoluer dans un écosystème durable, compétitif et innovant.

DANNY KABANGA