Kinshasa : Dans l’ombre du silence, l’héritage d’Andrew Foster et le combat de Bandongola pour les sourds

Le Centre de production des programmes et supports de sensibilisation des sourds – CPPS – produit un documentaire inédit sur l’histoire d’une rencontre improbable, mais qui a changé à jamais le destin de milliers d’enfants sourds en Afrique centrale à la fin des années 70. Celle de Bandongola Asuka Moke, rd-congolais devenu sourd après une méningite, et d’Andrew Jackson Foster, premier noir sourd diplômé de l’université Gallaudet aux États-Unis d’Amérique, pionnier infatigable de l’enseignement en langue des signes sur le continent africain.

En 1957, animé par sa foi et sa conviction que l’instruction pouvait briser les murs du silence, Foster quitta son pays pour ouvrir en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale plus de trente écoles dédiées aux enfants sourds. À travers elles, il n’a pas seulement transmis un savoir : il a offert une identité et une dignité à ceux qui étaient jusque-là réduits à l’invisibilité sociale.

Au Congo Kinshasa, Bandongola a vécu la dure réalité d’une époque où les sourds n’avaient pas de structures adaptées à Kinshasa. L’unique option restait l’école Beno, fondée en 1930 dans le Kwilu, qui accueillait quelques élèves sourds selon une méthode strictement orale. Faute d’interprètes et de pédagogie adaptée, Bandongola a grandi isolé, perdu dans des classes d’entendants. Une trajectoire douloureusement semblable à celle de Foster : tous deux ont perdu l’audition à cause d’une méningite, et tous deux ont porté le rêve de briser le silence imposé par la société.

Aujourd’hui encore, les mentalités évoluent lentement. Dans de nombreuses familles rd-congolaises, la surdité reste associée à un mauvais sort, et rares sont ceux qui savent qu’elle peut être la conséquence de maladies comme la méningite bactérienne. Pourtant, près de 60 % des pertes auditives infantiles pourraient être évitées grâce à la vaccination. Mais l’ignorance et les préjugés continuent d’isoler les enfants, retardant leur accès à une éducation adaptée.

L’Institut pour sourds-muets de Kinshasa – ISMK -, fondé grâce à l’œuvre de Foster et soutenu après sa mort par sa famille et la Christian Deaf Mission, symbolise cet espoir fragile. Pendant longtemps, l’école a permis aux sourds d’apprendre à lire et à écrire. Mais faute de moyens, elle peine aujourd’hui à offrir une véritable formation professionnelle et à répondre aux besoins de ses élèves.

Dans cette lutte silencieuse, un homme se tient toujours debout : Bandongola. Devenu gardien de l’ISMK, il continue, malgré son âge, à soutenir l’établissement, à épauler les enseignants et à maintenir la flamme de l’œuvre de Foster. Pour beaucoup, il incarne le courage et la persévérance d’une génération sacrifiée, qui s’est battue pour que les sourds rd-congolais aient une voix et une place dans la société.

De plus en plus d’intervenants plaident pour que l’État rd-congolais reconnaisse et honore Bandongola de son vivant, afin de saluer son immense contribution à l’éducation et au développement des sourds au Congo. Car derrière les murs fatigués de l’ISMK, se joue un combat universel : celui de l’inclusion, de la dignité et du droit à la parole pour ceux que l’on a trop longtemps laissés dans l’ombre du silence.

Pour rappel, le centre de production des programmes et supports de sensibilisation des sourds – CPPS – est une structure rd-congolaise dédiée à l’inclusion et à l’autonomisation des personnes vivant avec un handicap, l’une des catégories les plus vulnérables face aux défis sociaux et économiques du pays.

À travers des formations professionnelles, des campagnes de sensibilisation, un accompagnement psycho-social et juridique, ainsi que des partenariats pour l’insertion professionnelle, le CPPS œuvre concrètement à briser les préjugés et à favoriser l’égalité des chances. En parallèle, il mène un plaidoyer permanent auprès des autorités pour une politique nationale inclusive, en phase avec les engagements internationaux de la RDC.

Porté par la conviction que le handicap n’est pas une fatalité mais une condition appelant solidarité et respect, le CPPS incarne l’espoir d’une société rd-congolaise plus équitable, où chaque citoyen, avec ou sans handicap, participe pleinement au développement du pays.

Il convient de rappeler que le CPPS regorge en son sein, la troupe théâtrale dénommée « Compagnie Théâtre Mabin’A Maboko » spécialisée dans le théâtre d’intervention. Un théâtre participatif. Joué par des sourds et entendants, ce théâtre divertit en même temps qu’il renseigne sur les thèmes abordés. Faisant usage de la langue des signes et du langage parlé, les artistes du CPPS s’adressent à un public mixte (sourds et entendants). C’est ainsi que ces pièces théâtrales ou ces productions scéniques intéressent également tout le monde.

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