Kinshasa : Une gestionnaire de comptes, ancienne militante de l’UDPS, échappe à un lynchage après avoir dénoncé un détournement de fonds publics

L’histoire de Koukla, gestionnaire de comptes dans une banque commerciale bien connue à Kinshasa, est celle d’une femme de principes, broyée par un système qu’elle refusait de servir. Membre active de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) durant le règne de Jean-Marc Kabund comme Secrétaire général de ce parti présidentiel, elle a vu sa vie basculer lorsqu’elle a refusé de participer à une opération de détournement de fonds impliquant des millions de dollars appartenant à l’État congolais organisé par quelques hauts cadres de son parti. 

Une dénonciation discrète, un piège brutal

Tout commence en fin 2022. Koukla Tshiaba, alors responsable des comptes institutionnels dans une succursale de Gombe, découvre une série de virements suspects ordonnés par un responsable de l’UDPS et Directeur général d’une entreprise de l’État avec ses autres collègue du même parti l’ont fait une proposition pour détourner l’argent dans les comptes de ladite entreprise en jouant le rôle de leur facilitateur.

Convaincue de l’irrégularité de l’opération et fidèle à ses convictions politiques, elle alerte discrètement ses supérieurs internes, tout en signalant anonymement les faits à un  journaliste congolais d’investigation sans l’autoriser à le diffuser sur son média.

Quelques mois plus tard, soit en début  janvier 2023, elle participait à la réunion de l’Alliance pour le changement où elle racontait à l’assemblée ce que les cadres de l’UDPS lui proposaient comme détournements et sa réaction négative à leur endroit. 

Ne sachant pas que durant ce rassemblement, il y avait des taupes qui avaient pour missions de faire le compte-rendu à la haute hiérarchie de l’UDPS, parti au pouvoir. Lendemain de cette réunion dans la soirée, alors qu’elle avait reçu chez elle après son accouchement, ses amis, tout d’un coup, ils étaient tous surpris d’être visités par les agents de l’Agence nationale de renseignement (ANR). L’un d’eux avait pris le soin de présenter sa carte de service et tout de suite tenait à échanger avec Madame Koukla Tshiaba. Après une brève échange, Koukla et ses amis ne voulaient pas quitter la maison pour une destination et cela a provoqué une vive tension jusqu’à ce que les autres agents qui étaient dehors sont entrés pour les prendre violemment et les placer dans les deux véhicules présentes devant la parcelle.

De la cité Salongo où ils étaient tous capturés, Koukla identifiait quelques endroits et routes principales de Kinshasa jusqu’au bureau de l’ANR situé en face de la Primature. 

À leur arrivée, ils étaient tous identifiés et placés dans des cellules. Un endroit pitoyable où un matelas faisant office du lit était au sol et une vase pour les petits et grands besoins.

Quelque jour après son incarcération, elle était devant un officier pour multiples accusations entre autres, la complicité avec les ennemis de la nation etc; et en même temps, elle était frappée et torturée jusqu’à s’évanouir et être enfin acheminée dans leur centre médical. 

Il faudrait donc noter que la dame n’était plus membre active de l’UDPS, elle avait quitté après le départ de Jean Marc Kabund en février 2022 et avait rejoint l’Alliance pour le changement. 

Signalons qu’après la proposition de ce groupe de cadres de l’UDPS, elle les avait dénoncé auprès du directoire politique national de l’Alliance. C’est ce qui avait précipité son arrestation. Ces derniers avaient donc compris qu’ils avaient fait des propositions à une dame qui ne faisait plus partie de l’UDPS. 

Torture, silence et disparition

Pendant près de deux semaines, Koukla subit des interrogatoires musclés au cachot et à la polyclinique de l’ANR. Selon ses proches, elle aurait été battue, privée de sommeil et soumise à de longs interrogatoires visant à lui faire signer une déclaration falsifiée l’impliquant dans un supposé complot économique contre l’État. Mais elle refuse de céder.

Sa famille, restée sans nouvelles, finit par la retrouver grièvement blessée à l’Hôpital général de référence de Kinshasa – Mama Yemo [actuel Centre Hospitalier Universitaire de la Renaissance (CHUR)], admise sous un faux nom, surveillée nuit et jour par deux agents.

Une voix toujours debout malgré les blessures

Depuis sa fuite, Koukla vit dans la clandestinité. Des rumeurs persistantes indiquent qu’elle aurait quitté Kinshasa pour se réfugier dans l’Est du pays, voire en Zambie. Elle a fait parvenir un enregistrement audio à notre média, dans lequel elle raconte son calvaire et appelle la justice congolaise à enquêter sur les fonds publics détournés via le système bancaire.

Au sein de la banque où elle prestait, Koukla devient ainsi un symbole inattendu de la résistance éthique dans un environnement bancaire souvent instrumentalisé à des fins politiques. Son courage résonne déjà comme un appel à la transparence, dans un pays où l’impunité reste encore trop souvent la norme.

LA RÉDACTION