L’ONG rd-congolaise Journaliste en danger (JED) a publié, samedi 22 novembre 2025 à Kinshasa, son rapport annuel, dressant un état des lieux particulièrement sombre : 2 670 violations graves contre les journalistes et les médias ont été recensées en République démocratique du Congo depuis 1994.
Ces violations incluent des assassinats, disparitions, arrestations arbitraires et destructions de médias.
Un bilan qui confirme la vulnérabilité extrême du métier de journaliste dans le pays.

Pour JED, informer en Rd-Congo demeure une activité périlleuse. Les professionnels font face à des pressions politiques, économiques, juridiques et judiciaires qui entravent quotidiennement leur travail.
L’organisation rappelle qu’elle alerte depuis des années sur les assassinats, menaces, intimidations, agressions et fermetures abusives de médias, sans que la situation ne s’améliore.
Cette dégradation se reflète dans le classement mondial de la liberté de la presse 2025 publié par Reporters sans frontières (RSF). La RDC a perdu dix places, passant à la 133e position sur 180 pays, une chute largement attribuée à la guerre qui ravage l’est du pays.
Depuis la prise de la ville de Goma en janvier 2025 par les rebelles du M23, soutenus par l’armée rwandaise, l’accès à l’information est devenu encore plus difficile.
Un paysage médiatique sous contrôle dans les zones de conflit
Dans les territoires sous occupation, JED décrit une situation d’étouffement informationnel : Le M23 interdit la diffusion de plusieurs médias basés à Kinshasa; les journalistes sont soumis à des directives, éléments de langage obligatoires et menaces; dans certains cas, les rebelles tentent même de recruter les journalistes comme communicateurs.
De son côté, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication – CSAC -, censé protéger la liberté de la presse, multiplie les décisions restrictives, renforçant ainsi une double pression sur les médias.
Pris en étau entre les injonctions des rebelles, les menaces des autorités, l’insécurité permanente et la destruction d’infrastructures, les journalistes de l’Est vivent et travaillent dans des conditions extrêmes. Le rapport de JED, nourri de témoignages recueillis sur le terrain, décrit une situation « plus critique que jamais.
Le rapport remet également en lumière une liste de près de trente journalistes assassinés depuis les années 1990, une liste que JED qualifie de « toujours ouverte ». Aucune enquête sérieuse n’a été menée, aucun commanditaire n’a été inquiété. « Tant que ceux qui ont tué ou commandité ces assassinats ne seront pas arrêtés et jugés, cette liste restera ouverte », insiste JED.
Les types d’atteintes les plus courants
JED rappelle que la RDC figure dans les neuf catégories d’atteintes à la liberté de la presse répertoriées par JED et RSF. Les violations les plus fréquentes sont :
- Les arrestations et détentions : parfois longues, souvent arbitraires. JED dénombre 1 011 journalistes arrêtés ou interpellés sur la période analysée.
- La censure : fermetures de médias, interdictions d’émissions, confiscations de matériel ou destruction d’installations.
- Les violences physiques : agressions, enlèvements et assassinats, souvent précédés de menaces explicites.

Des témoignages qui illustrent la pression permanente
Plusieurs professionnels cités dans le rapport racontent leur vécu. « Dès novembre 2024, j’ai été poursuivi par une faction des miliciens Wazalendo opérant dans l’axe Nyiragongo », raconte Blaise Irenge, photographe à l’ACP.
« J’ai été inquiété par les proches de Corneille Nangaa, notamment son conseiller politique Magloire Paluku. Pour eux, on n’est plus journaliste lorsqu’on critique », raconte pour da part Valery Mukosasenge, journaliste à La République.net
Ces récits illustrent la réalité quotidienne de nombreux reporters, souvent contraints de travailler dans la peur.
Un appel urgent à la protection et à la reconnaissance
Dans un contexte où l’insécurité, la censure et les menaces s’intensifient, JED appelle une nouvelle fois les autorités rd-congolaises à mettre fin à l’impunité, à protéger les journalistes, et à accorder une reconnaissance nationale à ceux qui ont perdu la vie en exerçant leur métier.
Le rapport démontre que malgré les dangers, les journalistes rd-congolais continuent, au péril de leur vie, de garantir le droit du public à une information fiable. Un travail devenu plus essentiel que jamais.
PLAMEDI MASAMBA