Anita Mwarabu, alias Ninita, s’impose comme une voix singulière de la musique rd-congolaise. Au cours de son passage dans l’émission Le Spécial sur Eventsrdc FM Live, elle s’est confiée sur ses débuts dans la chanson, sa maternité, son combat gagné contre le cancer et ses projets à venir.
Authentique et déterminée, Ninita livre un portrait intime d’une artiste qui suit sa passion tout en assumant pleinement sa vie personnelle. Entretien.

Vous avez embrassé la musique très jeune, comme beaucoup d’artistes congolais. Mais au départ, est-ce que c’était un choix assumé de carrière ou juste une passion passagère ?
C’était un choix assumé de carrière. Mais cela n’était pas facile parce qu’au départ je n’avais pas le soutien de ma famille. J’étais très jeune. Il fallait convaincre mes parents. Mes sœurs m’ont peu aidée. Puis j’avais fait des auditions pour intégrer un groupe de jazz. En fait, j’avais commencé ma carrière sur scène.
Vous venez d’une famille où les parents ne manquaient pas de moyens : papa pilote, maman ménagère. Si vous n’aviez pas choisi la musique, quel autre chemin auriez-vous pris ?
Je n’avais pas vraiment de plan B. J’ai étudié pour devenir infirmière. C’est un très beau métier. J’ai passé des moments exceptionnels parce que j’ai travaillé aussi dans un hôpital. C’est ma deuxième passion. Mais la vraie passion que j’ai toujours voulu vivre, c’était la musique. J’ai dû dire adieu aux seringues pour embrasser la musique.
Votre style musical est reconnu comme singulier, à contre-courant de la tendance. Quand vous écrivez vos chansons, pensez-vous d’abord au public ou à vos propres émotions ?
Au départ on pense au public, parce que le public est très vaste. Après, on peut avoir une cible. Ce n’est pas calculé à l’avance. Ça dépend aussi des chansons. Je suis quelqu’un qui chante avec le cœur. Je chante une musique que les parents peuvent écouter ensemble avec leurs enfants.

Certains artistes écrivent pour guérir leurs blessures. Cela vous est-il déjà arrivé ?
Plusieurs fois. La plupart ne sont pas encore sorties. En début de carrière, j’écrivais des textes qui me dévoilaient un peu plus. Et puis dernièrement, avec tous les événements qui se sont passés dans ma vie, j’ai recommencé à écrire. C’est aussi la chose positive. C’est dans le placard.
Quelle est la chose la plus folle que la musique vous a permis de vivre jusque-là ?
Oh mon Dieu ! C’est dur comme question. Je fais plein de folies. Bon ! Je dirais les États-Unis. C’est l’une des destinations que la musique m’a permis de découvrir. J’étais en début de grossesse, j’ai fêté mon anniversaire là-bas. J’ai découvert un monde incroyable. C’est impressionnant.
En termes de relations humaines, je veux prendre l’exemple de votre réconciliation avec Innoss’B. Personne ne s’y attendait…
Même pas moi (rire). Il y a des amis de la destinée où parfois ça ne se passe pas bien. Comme dans une famille, on se dispute, on se déchire. Je pense même que dans ce déchirement-là, que ce soit lui ou moi, nous avons toujours laissé place à une possible réconciliation. Nous n’avons jamais débordé dans le langage. C’étaient des petits clashs vite faits. Mais au fond ce n’était pas la fin. Il est mon poto et il le restera.
Un jour, il a fait un geste. Moi, quand tu fais un pas vers moi, je fais 4.000 pas vers toi.

Et pouvons-nous espérer une réconciliation avec votre sœur Rebo ?
Mais comment je peux me réconcilier avec quelqu’un avec qui je ne me suis jamais disputée ? Je me suis réconciliée avec Innoss parce que je m’étais disputée avec lui. Suite à ce différend, si quelqu’un a décidé de prendre parti pour Innoss (qui était son amant à l’époque, NDLR), où est mon problème ?
Rebo était ma choriste. Elle travaillait pour moi. Vu qu’elle était proche de mon ami (Innoss), j’ai commencé aussi à la considérer comme une petite sœur. Quand j’étais en clash avec Innoss, elle, au lieu d’être au milieu du village, elle a choisi un camp. Maintenant, c’est devenu compliqué pour elle parce qu’elle n’a aucune raison d’être en clash avec moi. Je n’ai aucun problème avec elle.
L’industrie musicale est dominée par le buzz et la rapidité. Comment faites-vous pour garder votre authenticité au milieu de cette pression ?
J’ai créé le buzz moi. Tout le monde est au courant, même s’ils font semblant. À l’époque où j’étais toute seule dans le game, j’ai créé le buzz et je sais comment ça fonctionne. Je sais comment faire parler de moi. Je peux disparaître et réapparaître puis avoir le même buzz. C’est naturel. J’ai la nette impression que ce que je fais intéresse beaucoup les gens. Je n’hésite pas à m’en servir pour créer le buzz.
Pour les réponses en commentaires sur les réseaux sociaux, je me suis inspirée de Cardi B et Rihanna. Je me suis dit : pourquoi ne pas créer un truc avec mes fans, parce que j’ai besoin qu’ils interagissent avec moi. C’est génial. Je commence à connaître personnellement quelques profils. C’est une chose que je fais uniquement sur mes pages avec mes abonnés. Quand une personne s’abonne sur ma page, il m’accorde son temps. Minimum, je dois lui accorder aussi mon temps. Je le fais uniquement pour mes abonnés.

Vous êtes aussi maman d’un petit garçon. Est-ce que vous aimeriez qu’il suive vos pas et devienne musicien un jour ?
Moi, j’aimerais que mon fils soit un adulte épanoui, bienveillant, qu’il ne soit pas un poids pour la société. Si c’est dans la musique qu’il va trouver son équilibre, pourquoi pas ? Après, je sais que ce n’est pas facile.
Quelle relation avez-vous actuellement avec le père de l’enfant (Gaz Mawete) ?
C’est mon ex. Les relations avec mes ex n’ont jamais été faciles. Dans mon cas, il y a un enfant. Malheureusement, c’est une relation compliquée à tenir. Du coup, actuellement, on n’est plus trop proches parce que j’ai décidé de m’occuper de mon enfant seule et non de fuir ma responsabilité.
Après, je ne suis pas un cœur à prendre. Je suis occupée. J’ai quelqu’un dans ma vie.

Derrière le sourire de l’artiste, il y a aussi une femme avec ses combats. Quel est le plus grand défi que vous menez en silence ?
Il y a plusieurs combats qu’une femme, mère et célibataire mène en silence. Le plus gros combat était familial. Quand je grandissais, j’avais une image de ce que je voulais. Ça ne s’est pas passé comme je voulais. Bon ! Je dois rattraper le coup. Chaque jour je me bats, pour que cela ne soit pas un poids, ni pour mon enfant. Avec les années, je deviens de plus en plus épanouie. Je m’assume et j’assume mon enfant seule comme une grande. Ça se passe super bien.
Quand vous regardez la scène musicale congolaise, voulez-vous être perçue comme une exception, un modèle ou une voix différente ? Pourquoi ?
Un modèle et une exception aussi. C’est important d’être un modèle, parce que demain, lorsque nous ne serons pas là, nos petites filles doivent faire de moi un modèle.
Une exception parce qu’il ne faut pas faire comme tout le monde. Il faut avoir sa particularité. Quand les gens se souviennent de toi, qu’ils se souviennent comme d’une personne qui sort du lot. J’aime bien être différente.

Vous venez de sortir Viens Sedan et le morceau fonctionne bien. Quelle est la suite pour vous : un EP, un album ou d’autres singles à venir ?
En fait, un EP ou deux peut-être. Je veux me lancer un défi. J’aimerais bien chanter de la rumba. C’est bon, j’ai assez écouté Ferre Gola. J’étais coachée par maman Mbilia Bel. À un moment, il faut se jeter dans l’eau. Il faut faire plaisir aux mélomanes congolais. Je suis en studio en train de préparer ce projet-là. Je suis déjà fan.
Ferre Gola est actuellement le trouble qui trouble les troubles qui me troublent. Parce qu’il trouble les troubles (rire). C’est vraiment le feat que j’aimerais avoir dans ce projet. Voilà, je lance un message.
Quels sont vos prochains rendez-vous avec le public : concerts, festivals, événements spéciaux ?
Je pense que d’ici la fin de l’année, nous pourrons avoir un concert à la Halle de la Gombe. J’en dirai plus.

Vous êtes aussi une femme dans un milieu exigeant. Avez-vous déjà ressenti l’injustice d’être jugée plus sur votre image que sur votre art ?
Tout le temps. Tous les jours. Actuellement j’en suis victime. On dirait que j’ai tué quelqu’un parce que j’ai pardonné à un ancien ami. Les gens ne comprennent pas qu’il y a des vraies relations.
En tant que jeune femme artiste, quel message fort aimeriez-vous transmettre aux jeunes filles qui rêvent de percer dans la musique ou ailleurs ?
Battez-vous. Ne comptez pas sur vos atouts. Parce que les atouts, nous en avons. Ça ne suffit pas. Je n’ai jamais compté sur mes atouts. Par contre, ma tête m’a beaucoup aidée dans la vie. Ayez l’air un peu légère mais dans le fond soyez de bonnes personnes.
GLODY NDAYA
ETIENNE KAMBALA