Voir le monde dégoupiller à cause d’une représentation artistique qui choque n’est pas anodin. Parce que l’interprétation et l’exploration d’une œuvre relèvent bien de la liberté, l’approche de la controverse est d’autant plus légitime.
L’art vit des mutations, des scandales et des polémiques. Ses rapports avec la société représentent un symbole de cristallisation de nos sentiments. Au creuset de l’histoire, la force de l’art ne désemplit pas. La reconstitution de l’histoire est à mettre à l’actif de la vigueur de l’évolution du temps à travers les performances notamment, pour ainsi dire que le passé est très souvent ramené au présent.
L’historien Adam Mendelsohn disait : « La reconstitution prend appui sur un raisonnement voulant que la fabrication de l’art, vecteur de production culturelle, soit elle-même une sorte de reconstitution historique, une activité de préservation de l’héritage passant par un comportement ritualisé ».
Elles sont légion ces œuvres qui auront provoqué une indignation. La reconstitution de la Guernica de Picasso en est un exemple parfait. Cette oeuvre célèbre qui est une dénonciation engagée du bombardement de Guernica, qui venait de se produire le 26 avril 1937, lors de la guerre d’Espagne, ordonné par les nationalistes espagnols et exécuté par des troupes allemandes nazies et fascistes italiennes, a longtemps créé la polémique. Dans la lignée des performances controversées, « L’Origine du monde », de Gustave Courbet reconstituée par Deborah de Robertis, Aktion 3 par
Rudolf Schwarzkogler etc.

La dernière polémique en date est la représentation de la Cène, fresque murale de Léonard de Vinci représentant le dernier repas de Jésus avec ses douze apôtres. Pour le metteur en scène Thomas Jolly, c’était plutôt la représentation d’une grande fête païenne autour du dieu Dionysos.
Ces faits reviennent à dire que la reconstitution artistique est un véritable terrain de controverse. Le regard d’une œuvre est unanime mais l’analyse et l’interprétation diffèrent. Comprendre nécessite une plongée spirituelle intense, mais surtout une culture générale suffisante.
Reconstitution artistique ou transgression
La transgression dans l’art est une résistance, pas toujours une tolérance. Mais elle titille les avis parfois en marge de l’interprétation. La transgression est au fil de l’histoire une manière de faire face aux normes de l’unique de l’imaginaire. Chaque époque a sa sauce et chaque art transgressif choque.
Le nouvel élan de l’imagination est un adepte invétéré de la reconstitution artistique. Cette dernière n’est pas figée, mais elle constitue une pratique puissante qui explore des voies différentes. Elle se pointe comme une continuité sous diverses formes et un voyage dans les expériences d’après les époques.
La reconstitution artistique, leurre pour certains, n’est jamais une soumission, mais bien une transgression, voire un héritage brutal de l’interprétation
Approcher le travail des maîtres
Le travail des maîtres en art, quête de plénitude, est une mémoire vivante. La beauté et la transcendance en permanence a longtemps été la gageure de plusieurs artistes devanciers par rapport à l’actuelle génération de l’art contemporain.
Le résultat est le fruit des puisements non sans raison dans les abysses des questions sociétales, spirituelles, identitaires et des préoccupations jalonnées de rigueur et de seigneurie. Évidemment ! L’art est charismatique et compte en ses rangs des seigneurs créateurs, maîtres des émotions et pachas inspirateurs.

Dans la contemporanéité parlant de reconstitution artistique, le défi est là : Approcher le travail des maîtres. Un challenge perpétuel des héritages. Elle symbolise une transmission de virtuosité d’une génération à une autre.
Reconstitution artistique en RDC, présente mais bien rarissime
Figuratif ou abstrait, l’art est en effervescence en RDC. Les démarchent de chaque artiste envoient un message, portent une symbolique et déconstruisent parfois le passé du paternalisme contemporain.
Plusieurs œuvres des artistes congolais peignent l’histoire entre spiritualité et engagement. Cette croisée des routes dans les formules, les idées et les perspectives consolide un héritage ancré dans la mémoire. Cependant, la reconstitution artistique à travers notamment les performances est un cas rare quand bien même que des expositions sont souvent organisées dans le but de perpétuer la mémoire patrimoniale des oeuvres monumentales des devanciers avec une touche originale du présent.
En novembre 2024, les étudiants de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa exprimaient la suite de « Guernica », célèbre tableau de l’immense peintre espagnol Pablo Picasso réalisé en 1937. Cette expo est un message contre les guerres à travers le monde entier.
De l’engagement, mais aussi une notion pédagogique à travers le travail des artistes congolais qui battent en brèche pour des performances porteuses de message, celles qui puissent faire changer la donne dans le chef de la population.
CHADRACK MPERENG