Balufu Bakupa : « Quand on aime son peuple, on aime sa culture, on aime son pays »

Cinéaste, homme de culture et de lettres rd-congolais, Balufu Bakupa-Kanyinda est l’un des rares africains qui depuis plusieurs années défendent le cinéma africain à travers les 4 coins de la planète terre. A l’édition 2017 du FESPACO (Festival Panafricain de Cinéma de Ouagadougou), il venait d’être élevé au rang de Chevalier du mérite des Arts, des Lettres et de la Communication avec agrafe cinématographique par la Présidence burkinabè dirigée par Roch Marc Christian Kaboré. Ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui, reconnaît son professionnalisme et sa rigueur qui produisent toujours des résultats souhaités. S’agissant de l’avenir du cinéma de son pays -la République Démocratique du Congo, Balufu réagit en ces mots : « le Congo est pétri de beaucoup de talents créatifs, mais il est malheureusement doté des politiciens et gouvernants pauvres en imagination créatrice ».  

Qu’avez-vous ressenti lorsque les services burkinabés vous avez parlé de cette décoration ?

C’est un grand honneur, une véritable fierté. Tel qu’exprimé par le gouvernement du Burkina, c’est la reconnaissance de mon apport au cinéma et à sa vision panafricaine. Cela sous-entend évidemment plusieurs choses et actions ?

La médaille de de Chevalier du mérite des Arts, des Lettres et de la Communication avec agrafe cinématographique par la Présidence burkinabè. Ph.Dr.Tiers

Balufu Bakupa-Kanyinda élevé au rang de Chevalier du mérite des Arts, des Lettres et de la Communication avec agrafe cinématographique par la Présidence burkinabè à l’occasion du FESPACO. Que dites-vous aux jeunes cinéastes africains qui quotidiennement souffrent pour bien travailler? Afin de devenir comme vous ?

Etre cinéaste, ce n’est pas prendre un chemin de facilités. Mais il y a des qualités à posséder qui ne peuvent ni s’acheter ni s’acquérir si on n’en est pas pourvu dès le départ : la créativité, la passion, l’art, le talent. L’école et l’expérience serviront à valoriser ces qualités fondamentales. Mai il faut surtout avoir le désir de l’autre. Au-delà du divertissement, le cinéma est un art politique. Un art qui interpelle la société. Un film, c’est une intermédiation entre la réalité et l’art de la dramaturgie, de la fiction. A côté de ces qualités, je crois beaucoup au doute, à la remise en question, au dur labeur et à toutes ces merveilleuses choses et connaissances que l’on peut puiser dans la culture générale, celle de chez soi ou d’ailleurs, celle savante ou populaire.

Balufu Bakupa-Kanyinda en train d’être décoré au rang de Chevalier du mérite des Arts, des Lettres et de la Communication avec agrafe cinématographique par la Présidence burkinabè à l’occasion du FESPACO. Ph.Dr.Tiers

Le monde bouge. Le cinéma avance également. En RDC, le 7ème art souffre. Les tracasseries administratives et le manque de sponsoring affectent négativement ce secteur. Quel message adressez-vous aux autorités congolaises et aux patrons des entreprises basées dans votre pays ?

Le Congo est pétri de beaucoup de talents créatifs, mais il est malheureusement doté des politiciens et gouvernants pauvres en imagination créatrice. Ce qui manque au Congo, c’est tout simplement une politique culturelle. C’est dans celle-ci que le code de l’image et la cinématographie peuvent être pensé et développé comme un facteur important de la construction de l’identité nationale. C’est aussi ce manque de socle culturel qui ressort de la faillite de la gouvernance  chronique de notre pays. La culture, c’est le peuple. Quand on aime son peuple, on aime sa culture, on aime son pays. C’est le contraire que nous avons actuellement. Un pays n’est pas fait que des chiffres mais des utopies et des rêves qui rendent l’impossible à la portée de notre volonté seule.

À quand un Forum ou un état de lieu du cinéma congolais ?

Nous avions fait un état de lieu avec les Ministres Kavira et son successeur le défunt Banza Mukalay. Mais cela n’a pas semblé faire partie des priorités du gouvernement… Priorités que l’on ne connaît toujours pas et dont l’on ne voit toujours pas la concrétisation sur le champ du développement social et sociétal collectif! Comment comprendre que l’image – notre image, celle que nous donnons au monde – ne soit pas parmi ces priorités ?

Un nouveau festival est né pour promouvoir de la paix dans la région des grands lacs. Êtes-vous prêt à participer à cette première édition pour encourager les cinéastes burundais, congolais et rwandais engagés dans cette démarche ?

Je suis disponible, dans la mesure de mon agenda. Depuis des années, à Kinshasa et ailleurs en Afrique je donne ma part de transmission des savoirs aux jeunes cinéastes.

CINARDO KIVUILA