Le quartier Lutendele à Kinshasa manque d’eau potable

À Kinshasa, capitale de la Rd-Congo, la croissance démographique est à la base de création des quartiers qui ne disposent pas souvent d’infrastructures d’eau, de l’assainissement et de l’hygiène. Le quartier Lutendele, située dans l’extrême Ouest de Kinshasa, en est un. Les habitants de ce quartier vivent comme 36% des Africains sans l’eau potable ni électricité.

S’ils peuvent se passer de l’électricité, il n’en est pas le cas pour l’eau. L’eau est un véritable trésor dans cette agglomération que la REGIDESO, la société publique de distribution, a peut-être déjà classé dans ses oubliettes.

Du coup, quelques nantis de la cité, pour s’offrir de l’eau, creusent à plus de 15 mètres en profondeur des puits d’eau. « Ici à Lutendele, nous n’avons pas de robinet. Pour avoir de l’eau, nous recourons aux eaux des puits ou celles de la rivière », ont fait savoir deux jeunes dames rencontrées dans un chantier sur l’avenue Kudinga.

Ces eaux des puits, se questionne-t-on, sont-elles potables ? Ceux qui se soucient de la potabilité de l’eau se rendent dans la ferme d’un certain Papy. « Ces puits -NDLR : faisant allusion au puits de la ferme- je le préfère parce qu’on y met un médicament pour purifier l’eau que nous utilisons pour préparer les aliments et boire », a laissé entendre Maman Nzuzi trouvée matinalement sur le lieu qui, en plus, a révélé : « n’entre pas dans la ferme pour puiser l’eau qui veut. Il faut au préalable prendre langue avec le gérant ».

Ce fameux gérant, disons-le, était toujours absent à chaque fois que nous avons désiré le rencontrer pour en savoir plus sur la ferme.

Il convient par ailleurs de signaler le rôle prépondérant que joue la rivière Lutesi. Pour ne pas trop gaspiller l’eau difficilement acquise, certaines familles se rendent à cette rivière pour la lessive, se laver voire faire la vaisselle.

« Il est peut-être vrai que l’eau de cette rivière n’est pas propre à la consommer. Mais, on n’a pas de choix. Le peu d’eau que nous gagnons le matin, c’est pour la cuisine, la boisson et d’autres tâches ménagères. Pour la vaisselle et la lessive, nous venons ici à Lutesi », a relaté un John Katadi qui accompagnait sa femme à la rivière.

Saison sèche, saison de déboire

Les choses s’empirent quand arrive la saison sèche. Les puits tarissent. « Nous souffrons beaucoup pendant la saison sèche. Tous les puits vont quasiment sécher d’ici-là », a-t-on appris de Rebecca Sifa qui, transportant sur sa tête deux sceaux d’eau superposés, éprouvait de la peine pour nous relater ses corvées. Et de poursuivre avec une voix tremblante : « pendant cette période, c’est presque tout Lutendele qui se rend à Nzapa pour avoir de l’eau. Et, il y en a comme moi qui parcourt des dizaines de kilomètres pour atteindre Nzapa ».

Nzapa n’est qu’une espèce de robinet à base d’un tuyau en plastique qui serait installé par une ONG selon certains habitants. À en croire Rebecca, au cours de la saison sèche la mobilisation est familiale.

Pas seulement chez elle mais aussi dans d’autres familles. « Nzapa est tellement loin que si l’on laisse cette tâche à une ou deux personnes seulement, elles seront complètement épuisées avant de ramener à la maison tous les récipients. Elles leur seront aussi impossible de faire plus d’un tour », a confié Rebecca qui finalement a accepté notre demande de lui alléger la tâche en reprenant un sceau.

L’accès à l’eau potable reste un défi majeur dans une grande partie de l’Afrique. Et la cité de Lutendele n’a pas fait exception. Sur ce continent en forte croissance démographique et économique, 36% de la population n’avait pas accès à des sources d’eau de qualité fin 2012, selon le rapport 2015 de l’ONU sur l’eau.

« L’Afrique a beaucoup d’eau mais pas d’eau à boire », a résumé Mohamed El-Azizi, directeur eau et assainissement à la Banque africaine de développement, BAD.

Sur l’ensemble du continent, l’Agence de développement des entreprises en Afrique (ADEA) estimait récemment à 40 milliards de dollars par an dans les prochaines années les investissements nécessaires dans le secteur de l’eau.

Tant qu’aucune politique apte de desservir en eau potable la cité de Lutendele, l’approvisionnement de cette denrée indispensable pour tout humain demeurera un véritable chemin de la croix. Priver toute une population de l’eau, c’est vouloir sa mort.

CHRISTIAN MUTOMBO