Musique digitale en Rd-C : Narsix Baya et Baziks veulent réléver les défis

Propriétaire et gérant des Établissements Bakizs spécialisé dans la vente de la musique en ligne, Narsix Baya caresse l’ambition de faire de la musique digitale des moyens par lesquels les artistes congolais pourraient gagner leurs vies. Baziks Digital Music Conférence, Baziks Conseil et Baziks Pulse, trois programmes qui composent cette structure, ont fait l’objet de notre échange riche en révélations.
Dites-nous, est-ce facile de créer une entreprise qui fournit des activités sur internet à Kinshasa où il n’y a pas jusque-là de connexion fluide ?
Ce n’est pas du tout facile, mais le potentiel est là. Selon le représentant de l’ARPTC, il y a à peu près 20 millions d’abonnés à la téléphonie mobile dans lesquels 6 millions utilisent l’internet 3G. C’est dire qu’il y a un marché potentiel, surtout que la plupart de ces utilisateurs sont jeunes connectés dans divers réseaux sociaux. A part cela, il y a aussi le GPRS, EDGE et aussi le taux d’accès à Internet dans les bureaux s’élève à 3 à 4%, même si ce chiffre est discutable. Je suis sûr qu’on est en train d’entrer dans le marché Internet.

… Mais pourquoi ne décollez-vous pas ?
Pour nous les startups, la grande difficulté se résume en termes de financement. Parce qu’on est dans le projet à forte potentialité qui peut rentabiliser. Malheureusement, il n’y a pas de personnes qui puissent risquer d’investir dans nos projets. Tout simplement, parce que la RDC entre à peine dans l’ère de la révolution de l’entrepreneuriat. Et jusque-là, nous parlons de PME or parmi celles-ci, il y a des startups. Ce sont des termes bien définis et des états d’esprit qui font bouger des choses au niveau de l’occident, dans des pays comme le nôtre, on est vraiment en retard, mais cette culture commence à venir. L’on reste positif et l’on espère que les investisseurs vont comprendre notre business et ce potentiel qui existe.

Au mois de janvier dernier, vous avez organisé une conférence sur la musique digitale en RDC (BDMC). Est-ce que les objectifs assignés ont été atteints ?
Oui. On a atteint nos objectifs. Premièrement, c’était de créer une communauté en réunissant les acteurs (artistes, manager, passionnés de la musique, producteurs, journalistes…) évoluant dans ce secteur. Au-delà d’un évènement, nous voulons faire comprendre qu’il y a une vraie révolution qui se passe dans la musique en ligne, pour que nos artistes se préparent pour ne pas se retrouver engloutis.

Baziks Digital Music Conférence (BDMC) s’inscrit dans le programme qu’on a baptisé Baziks Hub qui vise, à trois niveaux, à accompagner d’abord les artistes dans la culture de la vente des musiques sur Internet. Ensuite de faire travailler les artistes et les intervenants de la musique sur un projet précis, là, c’est Baziks Lab, une espèce de géant laboratoire où tout le monde vient s’associer sur un ou plusieurs projets artistiques en mettant en place des labels pour que les artistes décollent facilement. Troisième volet, Baziks Expérience, un festival qui présentera les créations qui vont être faites avec les artistes, lors des scènes notamment à Kinshasa.

… les échos de l’après conférence sont-ils favorables ?
Très favorables. D’ailleurs, Baziks est invité aux évènements de ce même genre en Afrique dans les deux prochains mois. Tout ça, justement, c’est dans la suite de la construction positive de notre image. Et voilà, ce sont des retombées positifs de cette conférence, même si on ne le sent pas encore économiquement.

Vous annonciez le lancement de Baziks Pulse dans deux mois, où en êtes-vous ?
Baziks Pulse est une nouvelle plateforme de musique à partir de laquelle nous avons redéfini notre stratégie. Il y a trois ans baziks.net, nous avions lancé la première version de la plateforme qui nous a permis d’expérimenter le marché : plus de 50 mille téléchargements en l’espace d’un temps, 100 mille visites, plus de 150 mille écoutes musicales,… on a repris la stratégie à zéro pour offrir un service complet aux artistes. D’où, l’idée de Baziks Pulse. Il permet non seulement d’écouter la musique en continu et de créer sa playlist, mais de télécharger la musique. Un peu comme réseaux sociaux (création profil, biographie), c’est à l’artiste de faire écouter ou faire télécharger ses chansons sur ce site ou faire les deux en même temps. Et c’est à nous de valider si c’est conforme. Le public aussi peut créer des comptes pour ses chansons coup de cœur,… on est pratiquement prêt, si tout marche bien, on pourra lancer la première version Baziks Pulse avant la fin avril 2016.

… Vous n’allez pas donc respecter la promesse
Eh ! Oui, il y a beaucoup de contraintes dans la création d’une plateforme fiable. Pour le faire avec une grande entreprise qui peut nous fournir des solutions performantes, ça revient à 250 mille dollars, (rire !) chose qu’on n’a pas. La version sur laquelle on travaille, c’est un plus de 11 mille dollars. Et ça, on le fait avec l’argent de poche avec beaucoup d’économie. Genre « Maman na bana kanga ceinture » : pour dire Madame, serrons nos ceintures, supportons, ça va marcher un jour ». C’est un défi et on y croit.

En termes de contenu du site, avez-vous prévu des mécanismes de protection des bonnes mœurs dans la production des artistes ?
Maintenant, nous ne sommes pas les professeurs pour éduquer les gens. Les artistes sont libres de s’exprimer comme ils veulent. C’est vrai qu’en tant que père, je peux être touché sur une citation de la musique. Des expressions peuvent ne pas plaire aux gens. Ce que l’on fait, c’est de protéger les artistes en termes de droit d’auteurs. Le contrat dit que l’artiste qui signe avec nous, doit savoir que sa chanson sera fournie gratuitement.
Nous avons quand même proposé d’innover, comme on sait la culture de l’achat n’est pas encore bien assise au Congo ni en Afrique, les gens vont aller dans la tendance de téléchargement gratuit ou piratage. Alors, on est en train de négocier avec les partenaires pour qu’ils sponsorisent la musique que nous nous allons disposer pour le public. A la base, l’affichage du sponsor est de 0,25cent par l’écoute. Plus on écoute plus ce chiffre sera multiplié et nous allons récolter notre part de 15% et le reste, on le reverse à l’artiste ou au producteur.

A ce jour, concrètement, avez-vous signé avec combien d’artistes ?
Une cinquantaine d’artistes en cette période de lancement…

… quels ont été les critères de sélection ?
C’est sur base de trois genres en termes de besoin. Nous distribuons de la musique hip hop (rap, rnb) du ndombolo (rumba), coupé décalé, du gospel, afro pop (afro beat) et du zook, il y aura des artistes antillais qui seront distribués exclusivement sur Baziks Pulse après son lancement. Il y aura des artistes qui sont basés à Lubumbashi, Goma, Kinshasa, à Montréal, en Europe aussi sur la plateforme. On attend des Congolais de Brazzaville, Ivoiriens, Nigérians,…

Comment se fait la liaison entre Baziks Conseil-Artiste-sponsor  ?
Pour le moment, Baziks Conseil observe les artistes appréciés autour de nous et allons vers eux et leur faisons des propositions. S’ils sont d’accord on signe, l’on se charge alors d’aller proposer les potentiels de ces derniers aux sponsors. On peut réunir cinq artistes sur scène, pour une campagne d’un produit qu’un sponsor veut booster. En même temps, ça donne aux artistes une forte visibilité à la télévision, à la radio, et ça crée un bon buzz. Ça peut aller de la promotion locale et à l’internationale. Pour nous, le plus important est que chaque partie engagée dans ce processus se retrouve dans ce qu’elle entreprend.
ONASSIS2308