En cette année 2025, nous célébrons les 65 ans de l’indépendance de la Rd- Congo, acquise le 30 juin 1960. Une date historique pour le pays, mais aussi pour le continent africain tout entier.
À cette occasion, nous rendons hommage non seulement aux figures politiques qui ont lutté pour cette liberté, mais aussi à une bande-son mémorable : celle des chansons militantes et patriotiques qui ont accompagné les combats, les espoirs et les désillusions d’un peuple en quête de souveraineté.

Parmi les œuvres qui résonnent encore aujourd’hui, “Indépendance Cha-Cha” reste la plus emblématique. Composée en 1960, attribuée tantôt à Grand Kallé – Joseph Kabasele – , tantôt à Roger Izeidi, ce morceau porté par l’African Jazz, est devenu un hymne panafricain de la liberté. Il célèbre l’unité des leaders rd-congolais et la victoire historique de la Table Ronde de Bruxelles. « Indépendance Cha-Cha tozui eh… », une phrase gravée dans la mémoire collective.
La Table Ronde et les soirées musicales de l’African Jazz
Du 20 janvier au 20 février 1960, les délégués politiques congolais et belges se réunissent à Bruxelles pour négocier l’indépendance. Hasard du calendrier, l’African Jazz est aussi présent en Belgique à ce moment-là.
Grâce aux frères Philippe et Thomas Kanza, les musiciens animent les soirées dans la boîte de nuit Les Anges Noirs, où résonneront pour la première fois des chansons comme “Table Ronde”, dans laquelle Grand Kallé cite les grands noms du mouvement indépendantiste : Lumumba, Kasa-Vubu, Tshombe, Kamitatu, Bolikango, Gizenga, etc. C’est le début du phénomène «Mabanga» – dédicace – dans une chanson.
D’autres chansons mythiques de la période
- Édouard Lutula – “Congo Sé Ya Biso” (1961)
Interprétée par Grand Kallé, cette chanson appelait à l’unité nationale au moment où la sécession katangaise, menée par Tshombe, menaçait de diviser le jeune État. Elle était fréquemment diffusée pendant les troubles.
- Grand Kallé – “Matata Masila Na Congo”
Un appel à la paix dans un contexte d’instabilité post-indépendance. Encore une œuvre engagée portée par le style unique de l’African Jazz.
Chansons prophétiques et contestataires
- Adou Elenga – “Mokili Ekobaluka (Ata Ndele)”
Écrite dans les années 1950, cette chanson a été perçue comme prophétique. Elle annonce la fin imminente du système colonial et appelle au changement. Le refrain “Ata ndele, mokili ekobaluka” signifie : “Tôt ou tard, le monde changera.” La chanson a été tellement populaire qu’Adou Elenga fut interpellé par les autorités coloniales.
Rumba Liberté et héritages afro-descendants
- Tabou Combo(Haïti)– “Rumba Liberté”
Groupe haïtien de kompa, Tabou Combo a revisité Indépendance Cha-Cha en 2010 à l’occasion du cinquantenaire des indépendances africaines. Leur version festive élargit le message à Haïti, au Congo et à l’Afrique du Sud, rappelant l’universalité de la quête de liberté.
Héritage post-colonial et appels à l’unité
- Tabu Ley Rochereau – “Congo Lelo” & “Congo Avenir”
Ces morceaux appellent à l’unité nationale et à la responsabilité de chaque citoyen congolais. Dans “Congo Lelo”, Tabu Ley chante : « To botama ba Congolais, to kotikala ba Congolais » (Nous sommes nés Congolais, nous resterons Congolais).
Avec “Congo Avenir” (1966), il interpelle la classe politique à un sursaut de sagesse dans un pays plongé dans les crises politiques, les coups d’État et les divisions.
Appel au réveil patriotique
- Papa Wemba – “Congo Moko”
« Bana Congo, tolamuka nanu na pongi »
(Enfants du Congo, réveillons-nous de notre sommeil). Un message toujours d’actualité, dans un pays en proie à l’instabilité, aux conflits internes et aux trahisons des siens.
- Un dernier hommage à Antoine Moundanda (Congo)– “Njila ya Ndolo”
Maître du sanza (piano à pouces), disparu en 2012, Moundanda fut un artisan de la musique tradi-moderne. Son morceau, sans être politique, restitue la vie quotidienne et culturelle entre Kinshasa et Brazzaville.
Ces chansons ne sont pas de simples divertissements : elles sont des archives vivantes, des cris de cœur, des manifestes patriotiques qui accompagnent les luttes passées et les défis présents. Alors que le pays célèbre ses 65 ans d’indépendance, il est essentiel de revisiter ce patrimoine musical pour mieux comprendre notre histoire et peut-être retrouver la force de continuer à rêver et à construire.
Car dans la culture rd-congolaise, tout est sujet et question de musique – fête ou deuil -.
PLAMEDI MASAMBA