Ados Ndombasi, fervent défenseur de la liberté artistique

« Je pense qu’un peuple sans culture est un peuple mort. Nous devons soutenir les artistes au lieu de les réprimer ». Ados Ndombasi, député national et opérateur culturel, n’a pas caché son indignation pour dénoncer le bafouement du droit des artistes rd-congolais de s’exprimer librement.

Fervent défenseur de la liberté artistique, l’élu de la FUNA défend bec et ongles artistes et culturels rd-congolais en proie aux menaces politiques. Le cas du culturel et événementiel Claver Nakebadio en juillet 2022 et tout récemment celui de l’humoriste Junior Nkole en sont des exemples parfaits. Il nous parle de sa lutte pour les artistes et la culture en RDC.

Qu’est-ce qui vous motive à vous impliquer dans la cause des culturels ?

Étant moi-même un artiste, un opérateur culturel, j’ai une idée sur la vie des artistes qui est une vie compliquée en RDC surtout que les artistes rd-congolais ne sont pas soutenus par l’État. Je trouve mal qu’on puisse arrêter les artistes avec autant de facilité, juste pour leurs opinions. Si je m’implique autant c’est parce que je ne peux tolérer que les artistes rd-congolais deviennent les souffre-douleurs des politiques rd-congolais.

Aujourd’hui, l’artiste rd-congolais a pour objectif de peindre la société; et l’artiste Junior Nkole qui est un humoriste de grand talent a fait sa part en dénonçant à sa façon le tribalisme; pour cela, il a été arrêté et a passé 30 jours dans les geôles de l’ANR. Je trouve cela inacceptable. Quand nous avons appris son arrestation, il avait déjà passé 18 jours en détention. Nous avons écrit aux responsables de l’ANR, contacté la ministre de la culture, certains responsables de la Monusco, de Human Rights Watch pour trouver rapidement une solution. Nous avons aussi recouru aux présidents des chambres haute et basse pour qu’ils interviennent. Je le fais surtout en tant qu’un être humain et défenseur du peuple rd-congolais.

Quand vous apprenez l’arrestation injuste d’un artiste, que faites-vous en premier lieu ?

Je cherche d’abord à savoir ce qui s’est réellement passé, car l’artiste peut aussi être fautif. Il faut d’abord avoir la bonne information, car un artiste qui a par exemple volé, vous ne me verrez jamais le défendre ; un artiste qui a commis un méfait, a enfreint la loi, je n’interviendrai pas.

Ados Ndombasi, Catherine Furaha – ministère de la culture, arts et patrimoines -, l’humoriste Junior Nkole. Ph. Dr Tiers

Quand vous saisissez la ministre de la culture, réagit-elle directement

Oui. Je suis régulièrement en contact avec elle et sincèrement à chaque fois que les artistes ont des problèmes, dès que je vais vers elle, il y a directement une réponse. Dans l’affaire Claver Nakebadio par exemple, elle avait directement réagi en contactant certains services de la République. C’est une dame qui est très ouverte.

Avec toutes ces arrestations d’artistes, pensez-vous qu’il y a un certain manque de liberté d’expression dans le secteur culturel ?

Oui, depuis un certain temps il y a une certaine intolérance à la liberté d’expression des artistes qui s’est installée. Les artistes dénoncent aussi ce qui est négatif, je suis contre cette intolérance à la liberté de s’exprimer des artistes, il faut que ça cesse.

Pensez-vous que ces arrestations rendent les artistes plus forts ?

Non. Ça dépend surtout d’une personne à une autre. Il y a certains artistes qui sont très fragiles et en sortent brisés, et d’autres qui en sortent forts et peuvent remonter la pente. Personne ne devrait être arrêté pour ses opinions, les autorités de l’ANR devraient arrêter avec ce genre d’arrestations arbitraires, pas seulement pour les artistes mais aussi pour tous les rd-congolais, pour tous les hommes ; car cela n’est pas juste. Nous sommes des hommes avant tout et devons être cléments comme Dieu et non agir comme des diables.

Continuerez-vous toujours à défendre les culturels, quoi qu’il arrive ?

Je suis contrains, je suis obligé car la culture c’est toute ma vie. Je pense qu’un peuple sans culture est un peuple mort. Nous devons soutenir les artistes, les accompagner au lieu de les réprimer. Voilà pourquoi mon combat aujourd’hui c’est d’amener l’État congolais à donner plus de moyens au ministère de la culture pour mieux accompagner les artistes rd-congolais. Dans notre constitution, l’article 22 dit clairement que “toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion”; l’article 23 dit: « Toute personne a droit à la liberté d’expression, ce droit implique la liberté d’expression, ses opinions ou ses convictions notamment par la parole, l’écrit et l’image sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs ». Tant qu’il y aura des textes qui nous protègent, nous allons continuer à protéger les artistes rd-congolais.

Ados Ndombasi et Barbara Kanam. Ph. Dr Tiers

Comment voyez-vous la culture rd-congolaise dans le futur ?

Je souhaiterai que la culture rd-congolaise puisse énormément rapporter au budget de l’État. Vous savez sous d’autres cieux, le budget de la culture est de plus de 2 milliards d’euros ; en France par exemple, la culture rapporte à elle seule plus de 60 milliards d’euros, vous imaginez? C’est peut-être 4 fois plus que le budget de l’État RD-Congolais. Le secteur culturel génère à peu près plus d’un million d’emplois directs ou indirects.

Il faudrait qu’il y ait plus d’infrastructures culturelles pour que les artistes puissent s’exprimer tous les jours de façon plus convenable. Il est important que l’État rd-congolais investisse plus dans le secteur culturel comme le font certains pays tels que la France, l’Afrique du Sud, l’Égypte et autres, des pays où le secteur culturel contribue à l’émergence du pays et renfloue les caisses de l’État. Malheureusement dans notre pays, le ministère de la culture et arts, c’est le parent pauvre du gouvernement. Nous devons mettre plus de moyens pour le secteur culturel, nous devons avoir plus de routes pour que les artistes puissent circuler aisément dans tout le pays, pour se produire dans n’importe quel coin de la RDC.

Nous sommes un pays de 100 millions d’habitants, c’est énorme, c’est un grand marché que nous devons entretenir. Les artistes doivent naviguer, voyager partout. Quand je parle de la culture, je vois tous les arts, le cinéma, le théâtre, la danse, la musique, la peinture, la comédie, la sculpture et autres. La culture rd-congolaise doit être mieux exploitée pour rapporter beaucoup à la RDC.

POPY-BARBARA MBOLI