De l’EIC à la RDC : Mercantiles, affairistes, … cannibalisent le pays

Exactement 56 ans après l’indépendance, en République Démocratique du Congo, la démocratie semble ne pas avoir franchi le seuil d’espoir; espoir d’un peuple, longtemps oublié, de participer réellement à la gestion de la Chose publique, d’accéder à de meilleures conditions de vie, … au développement.

A ce jour, tout cela reste utopique, loin s’en faut. Parce que si le Congolais s’est émancipé de la colonisation blanche, celle-ci a été remplacée par le joug d’hommes forts, des régimes pseudo démocratiques autochtones, qui tiennent les rennes depuis 1960. Ceux-ci amassent des richesses, piétinent les lois, usent des subterfuges pour s’éterniser, se confectionnant des constitutions sur mesure, ou les réajustant à la taille de leurs appétits grandissant.

Ainsi, le pouvoir, qui devrait revenir au peuple, est, le long de l’histoire du pays, littéralement réquisitionné par un petit groupe d’opérateurs politiques, des économistes et leurs proches. Ils s’arrogent la souveraineté du peuple, confondant volontiers leurs désirs égoïstes aux aspirations légitimes de ce dernier.

La RDC s’est affirmé à travers le temps comme un paradis pour ceux qui le dirigent et un enfer pour son peuple. Créé par le rêve de grandeur et le génie diplomatique de Léopold II, roi de la Belgique, pays de moins de 50 ans plus vieux que sa future colonie, le Congo a été un bel investissement. « Jusqu’en 1908; les dépenses que la métropole avaient consentis pour le Congo s’élevaient à 40 millions de l’époque, tandis que l’Etat-belge, en construction, immeubles acquis par la fondation de la couronne, aura reçu l’équivalent de 60 millions», renseigne « Le dinosaure/le Zaïre de Mobutu » de Colette Braeckman paru en 1992.

Jeans Strengers souligne qu’il est exceptionnel qu’un jeune Etat d’outre-mer rapporte, dans le premier quart de siècle de son existence, autant de plus-value à sa métropole. Il va sans dire que la Belgique a gagné davantage en 80 ans. La ville de Bruxelles en regorge suffisamment de témoignages. Quelle en a été la contrepartie pour les Congolais? Le caoutchouc rouge? Les milliers (ou millions) d’autochtones tombés sous les fouets pendant la construction des chemins de fer?… Patrice E. Lumumba, dans son discours improvisé lors de l’indépendance, le 30 juin 1960, en donne une image nette: « Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim,…. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres… Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation! » Poignant! Pourtant, après l’indépendance, presque rien n’aura changé pour le peuple.

Une classe politique calquée sur le colon !!!

Une dictature autochtone a succédé à celle des blancs. Mobutu prend officiellement le pouvoir en 1965, il ne fera pas mieux que les blancs. Le peuple sera toujours laissé pour compte. Et les complaintes de Lumumba garderont, plus ou moins, tout leur sens, même un demi-siècle après. Cherchant à consolider sa mainmise sur le Congo, Mobutu oubliera progressivement la finalité du pouvoir, versera dans l’autocratie: un pouvoir sans partage, échappant au contrôle et à la sanction. Par conséquent, plus le temps passe, prend corps chez les congolais la nostalgie de l’ordre des blancs, un ordre totalitaire mais qui, au moins, les nourrissait.

Et 20 ans après le maréchal, la réalité n’a vraisemblablement pas beaucoup évolué, pour le peuple. S’il est vrai qu’il y a plus de liberté d’expression, que l’opposition est plus visible, que la dictature peut paraître appartenir au passé, l’intérêt général reste un mythe et la démocratie, un espoir.

En fait, le dénominateur commun des différents régimes à la tête du pays est que le  peuple est quantité négligeable. Seul compte le profit de la minorité dirigeante. La classe politique congolaise est bien calquée sur le colon. Elle est sans vision commune, mercantile et affairiste. Tenez. A sa création, la RDC fut la propriété exclusive d’un seul homme: Léopold II, une entreprise capitaliste fondée sur le profit et l’exploitation, avec une économie extravertie, des richesses servant à alimenter des comptes en banque extérieurs au lieu de soutenir le développement du pays. Mobutu et les siens ont emboité. Et que dire aujourd’hui? A-t-on fait mieux depuis? D’ailleurs, si Mobutu est parti, ses dinosaures tiennent encore, en partie, les rennes de l’appareil de l’État. Et la bonne gouvernance reste une fallacieuse ambition.

Ces racistes avaient raison …

Ils disaient et répétaient que «les noirs sont de grands enfants auxquels il faut tout apprendre». Cette race des racistes avaient raison. Les congolais a bien assimilé les leçons d’affairisme. L’autopsie faite, en novembre 1977, par Mobutu est éloquente: « Tout se vend et s’achète dans notre pays. Et dans ce trafic, la détention d’une quelconque parcelle de pouvoir public constitue une véritable monnaie de change en contrepartie de l’acquisition illicite de l’argent ou d’une valeur matériel ou morale… Face à tous ces maux, il faut reconnaitre que, trop souvent, l’État et le Parti n’ont pas toujours réussi à décourager les mauvais, ni à encourager les bons… Tous ces trafiquants, ces commerçants, se trouvant dans presque tous les organes de l’État, ont fini par former une caste d’intouchables, véritables exploiteurs de leur peuple… ce mal zaïrois, essentiellement politique, a donc engendré une bourgeoisie qui veut s’enrichir sans travailler, consommer sans produire, diriger sans être contrôler ». L’eau a coulé sous le pont depuis, mais ces flots n’ont, semble-t-il, pas emporté grand-chose.

Du coup, la politique, ce marché où ceux qui ont le pouvoir peuvent tout, charme tout le monde. Et aujourd’hui encore davantage. Les familles espèrent avoir un député, un ministre un mandataire public… pourquoi pas, un président de la République. L’essentiel étant d’amasser le plus longtemps de l’argent, peu importe le moyen, et entretenir le prestige familial. La prédation devient donc un jeu de la chaise musicale. « Ils ont beaucoup bouffé c’est notre tour maintenant! », lance-ton.

Conséquence: il n’y avait jamais eu un régime qui a cédé démocratiquement le pouvoir. La Constitution n’est qu’un outil de légitimation du pouvoir, la respecter relève du mythe.  En 1991, lors de la conférence nationale souveraine, Laurent Mosengwo Pasinya, alors Monseigneur, disait dans son discours de clôture: « Certes, des textes constitutionnels ont été adoptés, instaurant un régime démocratique. Mais la démocratie est vite apparue comme une panacée dont l’application n’a pas suivi, faute d’esprit et de culture démocratiques dans les chefs des principaux animateurs et surtout dans celui du peuple dont la prise de conscience qui ne devait d’ailleurs être que progressive de sa souveraineté, n’est encore qu’embryonnaire. Mais le peuple devient critique. Cette prise de conscience, pouvons-nous déjà dire, vient à pas de géant à la faveur de la conférence nationale souveraine ».

Ces paroles de l’évêque de Kinshasa doivent, aujourd’hui plus qu’hier, raisonner dans la conscience de chacun afin que l’on épargne au peuple, ce souverain depuis trop longtemps en haillon et au visage creuser par la faim, cette politique-spectacle. Et que pour une fois, une première, les politiciens, au-delà de leur panse, voient l’intérêt du Congo. Le peuple a besoin d’homme d’État.

DE BUMBA