La Guerre des 6 jours à Kisangani : un documentaire pour raviver la mémoire et réclamer justice

Vingt-cinq ans après l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire contemporaine de la Rd-Congo, un film documentaire vient raviver la mémoire collective : La Guerre des 6 jours de Kisangani. Projeté en avant-première ce jeudi 5 juin 2025 au CinéBuzz à Kinshasa, ce documentaire retrace avec force et détails les affrontements meurtriers qui ont opposé, du 5 au 10 juin 2000, les armées ougandaise et rwandaise dans la ville martyre de Kisangani.

Réalisé par l’acteur culturel Déo Kasongo, avec l’appui du Fonds spécial de réparation et d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en RDC – FRIVAO -, ce film d’une heure se veut à la fois une œuvre de mémoire, de sensibilisation et de mobilisation.

À travers des images d’archives, des témoignages poignants, des analyses et des récits de survivants, le film offre une plongée sans filtre dans les événements de juin 2000. Il met en lumière les conséquences humaines et matérielles d’un affrontement entre deux puissances étrangères sur le sol rd-congolais, qui fit près de 1 000 morts, plus de 3 000 blessés et des milliers de traumatismes toujours vivaces.

« Grâce à la technologie, nous présentons aujourd’hui un film qui nous oblige à affronter notre passé. Il faut cesser de fuir. Ce documentaire est un pont entre hier et aujourd’hui, une clé pour comprendre ce qui continue de faire souffrir notre population », a déclaré Willy Kalengayi, Directeur du groupe de presse Geopolis, lors de la projection.

La guerre des 6 jours, souvent reléguée aux marges de l’histoire officielle, est un épisode particulièrement violent de la Deuxième Guerre du Congo. Les combats entre troupes rwandaises et ougandaises pour le contrôle de Kisangani ont été marqués par un usage massif d’artillerie lourde, avec plus de 7 000 obus tirés dans des zones urbaines. Des quartiers entiers ont été réduits en ruines, et la population civile a payé le prix fort.

Pour les victimes et leurs familles, le documentaire agit comme un électrochoc. Il redonne une voix à ceux que l’histoire avait oubliés et met en lumière les attentes encores non satisfaites de réparation et de reconnaissance.

Le processus d’indemnisation en question

En 2021, la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu la responsabilité de l’Ouganda dans ces actes et a condamné Kampala à verser des réparations à la RDC. En juin 2024, un an auparavant, le FRIVAO a officiellement lancé le processus d’indemnisation des victimes à Kisangani.

Mais sur le terrain, les critiques pleuvent : lenteur administrative, manque de transparence, gestion contestée des dossiers. Plusieurs victimes expriment leur frustration face à ce qu’elles considèrent comme une justice à deux vitesses.

« Ce film tombe à point nommé. Il rappelle que derrière chaque statistique, il y a une vie, une histoire, une blessure. Et surtout que la justice ne doit pas être un slogan, mais une réalité concrète pour les survivants », a lancé un spectateur, visiblement ému, à la sortie de la salle.

Une œuvre pour la mémoire collective

Au-delà du devoir de mémoire, La Guerre des 6 jours à Kisangani interpelle. Il pousse à la réflexion, à la justice et à la paix. Il interroge la place des responsabilités, le silence des autorités, et surtout la nécessité pour le peuple rd-congolais de reprendre la parole sur son histoire.

Un film nécessaire, fort, et profondément humain. Une œuvre qui, à défaut de panser toutes les plaies, les révèle enfin au grand jour.

PLAMEDI MASAMBA