Le cardinal Monsengwo, le « Wojtyla congolais »

À 77 ans, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, jouit d’une autorité morale incontestée dans son pays, la République démocratique du Congo, et au-delà. Membre du Conseil des neuf cardinaux chargés de conseiller le pape François pour réformer la curie, ce cardinal très politique œuvre depuis longtemps pour le dialogue intercongolais et le respect des droits de l’homme dans son pays.

En République démocratique du Congo, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, joue, depuis plus de vingt ans, un rôle de premier plan. Né en 1939, ordonné prêtre en 1963, il est le premier Africain à devenir docteur en sciences bibliques, diplômé en 1970 du prestigieux Institut biblique pontifical, à Rome. Il devient évêque de Kisangani à 41 ans, un record, et ne quittera son diocèse qu’en 2007 après sa nomination comme archevêque de Kinshasa.

Homme fort de l’épiscopat de son pays, d’abord comme président de la Conférence épiscopale du Zaïre (ancien nom du Congo) entre 1982 et 1994, puis à la tête de la Conférence épiscopale nationale du Congo de 2004 à 2008, Laurent Monsengwo Pasinya a assuré un rôle politique majeur dans la transition politique qu’a connue son pays à la suite du règne du maréchal Mobutu, destitué en 1997. Au cours de cette période, il fut l’une des rares figures à s’élever contre les violations des droits de l’homme, luttant en faveur de la démocratisation du Congo.

Guerre civile meurtrière

Il préside successivement, entre 1991 et 1996, la Conférence nationale souveraine, puis le Haut Conseil de la République, le parlement de transition. Cela n’empêchera malheureusement pas le pays de basculer dans la guerre civile la plus meurtrière de l’Afrique contemporaine (1998-2002). L’Église congolaise reste cependant, depuis, la seule institution « debout » dans un pays dépourvu de structures solides et où elle tient près de 70 % des écoles et des hôpitaux.

Créé cardinal par Benoît XVI au consistoire de novembre 2010, il jouit sur le continent noir et au-delà d’une autorité morale incontestée. En 2012, il a même été chargé par le pape allemand de prêcher les exercices de Carême, un signe de grande confiance.

Membre du « C9 »

Proche du pape François, qui l’a désigné en 2013 pour faire partie des neuf cardinaux chargés de le conseiller pour réformer la curie, le cardinal Monsengwo peut ainsi porter la voix de nombreux évêques africains. Ce continent, que Benoît XVI avait qualifié lors de son voyage au Bénin de « poumon spirituel », le pape François le connaît mal. D’où la place essentielle au sein de sa garde rapprochée du cardinal Monsengwo, surnommé le « Wojtyla congolais ».

Sa voix se fait désormais entendre pour dénoncer le maintien au pouvoir par la force du président Joseph Kabila, dont le deuxième mandat, le dernier autorisé par la Constitution, vient d’expirer, alors qu’aucune date n’est fixée pour de prochaines élections. Sous l’égide de la Cenco, le dialogue se poursuit pour permettre de trouver une issue à la crise qui a déjà causé des dizaines de morts. De l’aveu de Kabila lui-même, le cardinal Monsengwo est l’un de ses opposants les plus sérieux. Mais il sait aussi qu’en RD-Congo, aucun accord ne peut être trouvé sans lui.

MARIE MALZAC (AVEC FREDERIC MOUNIER)

LACROIX.COM