Littérature : Notre top des meilleurs livres francophones 2022 qui a de quoi faire pâlir d’envie

Plongée dans les abysses de la magie littéraire ! 2022 aura été une année fructueuse pour l’industrie du livre. Un voyage d’autant plus passionnant des plaisirs et d’expériences vertigineuses.

Les mots ont eu tout leur sens quitte à faire pâlir d’envie les bibliophiles. Le travail d’orfèvre des artistes qui a remué nos cœurs a permis à notre rédaction de vous dresser le top 10 des meilleurs livres francophones qui ont marqué 2022.

  1. « Le commerce des Allongés », Alain Mabanckou

Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d’habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l’hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l’amour. Un soir de 15 août où l’on fête l’indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l’après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin…

Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?

En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières – en particulier le Cimetière des Riches, où tout le monde rêverait d’avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie. Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d’ailleurs étrangement vivants.

  1. « Regardez-nous danser », Leïla Slimani

« Année après année, Mathilde revint à la charge. Chaque été, quand soufflait le chergui et que la chaleur, écrasante, lui portait sur les nerfs, elle lançait cette idée de piscine qui révulsait son époux. Ils ne faisaient aucun mal, ils avaient bien le droit de profiter de la vie, eux qui avaient sacrifié leurs plus belles années à la guerre puis à l’exploitation de cette ferme. Elle voulait cette piscine, elle la voulait en compensation de ses sacrifices, de sa solitude, de sa jeunesse perdue. » 1968 : à force de ténacité, Amine a fait de son domaine aride une entreprise florissante. Il appartient désormais à une nouvelle bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux.

Mais le Maroc indépendant peine à fonder son identité nouvelle, déchiré entre les archaïsmes et les tentations illusoires de la modernité occidentale, entre l’obsession de l’image et les plaies de la honte. C’est dans cette période trouble, entre hédonisme et répression, qu’une nouvelle génération va devoir faire des choix. Regardez-nous danser poursuit et enrichit une fresque familiale vibrante d’émotions, incarnée dans des figures inoubliables.

  1. « Dans le ventre du Congo », Blaise Ndala

Avril 1958. Lorsque s’ouvre l’Exposition universelle de Bruxelles, Robert Dumont, l’un des responsables du plus grand événement international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a fini par déposer les armes face aux pressions du palais royal : il y aura bel et bien un « village congolais » dans l’un des sept pavillons consacrés aux colonies. Parmi les onze recrues mobilisées au pied de l’Atomium pour se donner en spectacle figure la jeune Tshala, fille de l’intraitable roi des Bakuba. Le périple de cette princesse nous est dévoilé, de son Kasaï natal à Bruxelles en passant par Léopoldville, jusqu’à son exhibition forcée à Expo 58, où l’on perd sa trace. Été 2004. Fraîchement débarquée en Belgique, une nièce de la princesse disparue croise la route d’un homme hanté par le fantôme du père. Il s’agit de Francis Dumont, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles. Une succession d’événements finit par leur dévoiler le secret emporté dans sa tombe par l’ancien sous-commissaire d’Expo 58. D’un siècle l’autre, le roman embrasse la grande Histoire pour poser la question centrale de l’équation coloniale : le passé peut-il passer ?

  1. « Une somme humaine », Makenzy Orcel

La voix de l’héroïne nous parvient depuis l’outre-tombe. À la fois anonyme et incarnée, c’est la voix d’une seule femme et de toutes les femmes. Elle nous raconte dans des carnets dérobés au temps et à la mort une enfance volée, une adolescence déchirée, une vie et un destin brisés.

  1. « Comme une reine », Ernis

Une jeune femme quitte Douala, la capitale économique du Cameroun, et prend la direction du village où elle a grandi, où les femmes de sa famille l’ont élevée, lui apprenant les rites, les traditions, l’histoire des siens. Depuis elle porte ces récits sans trop savoir qu’en faire, et des visions qui lui rappellent qu’elle appartient à une longue lignée de femmes puissantes. Son arrivée au village bouscule les siens. Elle-même, rien ne l’avait préparée à ce retour, au réveil des visions et au rôle qu’elle pourrait jouer dans sa communauté. Porté par une écriture envoûtante, un premier roman magnifique qui questionne de façon nouvelle l’opposition entre tradition et modernité. L’auteure use du réalisme magique pour interroger la place des femmes qui pensent à l’avenir, le rêvent et le façonnent. 

  1. « Vivre vite », Brigitte Giraud (Prix Goncourt 2022)

Vivre vite, autofiction et roman à la fois de Brigitte Giraud, revient sur le moment où la vie bascule, irrémédiablement vers la solitude lorsque le deuil fait naître à jamais l’absence.

  1. « Quand viendra l’aube », Dominique Fortier

Au cours d’un été d’orages et de tempêtes suivant la disparition de son père, Dominique Fortier tient un carnet où elle explore le pouvoir des souvenirs à nous survivre et à élargir le réel. Elle recense autour d’elle les mystères grands et petits jalonnant nos existences : le fleuve qui coule à l’envers, des oiseaux qui parlent, le brouillard qui se dissipe comme un rideau se déchire, une montre à moitié cassée et assez de questions pour durer toute une vie. L’auteure livre un bouleversant témoignage où chatoient mille et une nuances de bleu, couleur de la nostalgie, du manque et du ciel avant le lever du soleil, lorsque les ombres s’estompent et que les fantômes se révèlent pour ce qu’ils sont : des souvenirs qui refusent de mourir à leur tour.

  1. « L’Odyssée des oubliés », Khalil Diallo

Comment Sembouyané et son ami d’enfance Idy, tous deux originaires d’un petit village d’Afrique de l’Ouest, un écrivain mondialement connu et une jeune orpheline se retrouvent-ils sans identité sur les routes de la migration et de la clandestinité ? Au fil d’une terrible et intense odyssée entre la côte occidentale de l’Afrique et la Méditerranée, Khalil Diallo nous conte l’histoire de Sembouyane et de ses compagnons d’infortune et nous embarque dans le flux de ces milliers de migrants prêts à traverser le désert et la mer dans l’espoir d’un avenir meilleur. Rien ne leur sera épargné mais, malgré les désillusions et les souffrances, il est toujours possible de rêver, de prendre une décision et de se battre pour son droit inaliénable et universel à la dignité. Dans une langue lyrique et poétique, où le réalisme magique n’est jamais loin, L’Odyssée des oubliés dresse un tableau sans concession de l’Afrique d’aujourd’hui et nous livre cependant un roman d’exil et d’espoir.

  1. « Le continent du Tout et du presque Rien », Sami Tchak

Maurice Boyer, issu d’un modeste milieu rural français, arrive à Paris pour entamer des études d’ethnologie à la Sorbonne. Il rêve de mettre ses pas dans ceux de son maître, Georges Balandier. Il part pour ses recherches doctorales dans un village du Togo. Il y restera deux ans. Ce sera le grand choc de sa vie. Des années après ce voyage, il sait ce qu’il doit à ce séjour et qu’il a laissé là-bas la part la plus secrète de son âme.

C’est le roman d’une rencontre, d’une quête : comment regarde-t-on l’autre, comment l’invente-t-on, comme écrit-on son histoire ?

  1. « Il n’y a pas d’arc-en-ciel au Paradis », Noël Nétonon Ndjékéry

L’auteur tchadien Nétonon Noël Ndjékéry déplore depuis longtemps une zone grise dans l’histoire africaine : peu de travaux de recherche, et encore moins d’oeuvres littéraires, abordent la difficile thématique de l’esclavage transsaharien. Il lui faudra des années, en parallèle à ses autres travaux littéraires, pour aboutir à la rédaction d’Il n’y a pas d’arc-en-ciel au Paradis.

Des chasses aux esclaves pratiquées par des sultanats sahéliens jusqu’à l’émergence de Boko Haram, de la colonisation française à l’enrôlement des tirailleurs jusqu’aux « Indépendances », Nétonon Noël Ndékéry nous confronte aux horreurs des traites négrières orientales dont les survivances crèvent encore régulièrement l’actualité. Il dresse ainsi le tableau de près de deux siècles de privation de liberté et d’exploitation humaine dans la région de l’actuel Tchad.

CHADRACK MPERENG