Manu Dibango pense que la musique africaine doit se mettre à jour

Devant donner sa lecture de la musique africaine d’aujourd’hui, Manu Dibango, invité de JazzKif 2017, revient sur une problématique que j’ai récemment évoquée sur ce mur…

« J’arrive pour la toute première fois à Kinshasa en août 1961, dans les valises de Grand Kallé; et là, j’y suis en 2017! Entretemps, il y a eu beaucoup d’autres séjours ici… Hier, on prenait un album, on en tirait un livret qui donnait des titres, présentait l’artiste… Aujourd’hui, l’on a qu’un seul doigt pour télécharger, on est dans l’immatériel, on ne touche plus rien, c’est un autre temps! En se rasant, chaque matin, qui sifflote encore une chanson? C’est une évolution naturelle… Pourtant, les chansons sont là, les artistes sont là…».

 

Comme je l’ai noté récemment, le problème n’est pas forcément que les chansons d’aujourd’hui sont moins bien écrites, moins bien composées, arrangées ou encore  interprétées que celles d’hier; mais plutôt nous vivons l’ère de l’instantanéité, de la vitesse… Tout se passe vite, alors très vite, de l’immatériel à l’immatériel, dans un nouveau contexte de surinformation dans lequel le mélomane est perdu, enseveli! En aucune autre période de notre histoire collective, nos yeux, nos oreilles ont été autant sollicités qu’aujourd’hui, avec plus de 50 chaînes locales, sans en compter la centaine des télédistributeurs…

 

Des objets nomades, pour parler Jacques Attali, nous permettent d’écouter la musique partout et à tout moment! Le temps de se concentrer un morceau, cent autres sollicitent nos oreilles, nos yeux! Moralité: l’on a des tubes des trois petits mois certes, mais qui, grâce la double révolution globalisante et numérique, atteignent les contrées la planète les plus insoupçonnés en… un clic!

 

Ainsi, prenons deux génériques, « Magie » de Koffi Olomide restera comme un titre culte qui gagnera en profondeur (il s’est consolidé dans les esprits ici), alors que « Selfie » en longueur, largeur et en densité, très loin des frontières congolaises, africaines,  auprès des auditoires lointains et surtout non-congolais… La chanson congolaise voit là sa chance de se « déghettoïser »…

D.M.