Musique : A travers l’affaire qui l’oppose à la Bracongo, Alesh tient à faire comprendre aux entreprises rd-congolaises l’importance des droits d’auteur

En procès avec l’entreprise brassicole, la Bracongo, l’artiste urbain rd-congolais Alesh, a, au cours d’un échange avec la rédaction d’Eventsrdc.com, a affirmé que l’un des objectifs de son combat est de faire comprendre aux sociétés commerciales établies en République Démocratique du Congo que les œuvres d’esprit ne sont pas des biens sans maître. Il a profité de cette même occasion pour évoquer d’autres points liés à sa carrière musicale notamment la sortie de son deuxième album solo au premier trimestre de l’année 2021 et son label « Mental engagé ». Entretien.

Alesh lors de l’audience du 28 octobre 2020. Ph. Dr Tiers

Depuis le mois d’août de cette année, votre actualité est dominée par l’affaire judiciaire qui vous oppose à la Bracongo. C’est quoi le problème ?

L’affaire avait commencé depuis une année déjà, mais c’est depuis le mois d’août qu’elle a été portée au vu du grand public. La Bracongo a utilisé une de mes chansons sans mon autorisation pour des fins commerciales dans un petit publi-reportage pour promouvoir un de ses produits ainsi qu’un de ses événements.

 

Avez-vous des preuves palpables qui attestent que l’extrait utilisé dans cette publicité fait partie de votre chanson « Youyou » ?

Bien sûr que j’ai des preuves. Une chanson d’Alesh, sa voix, son texte sont identifiables et particuliers. Ils sont reconnaissables parmi plusieurs.

Au cours de l’audience du 1er octobre, les juges avaient renvoyé au mercredi 7 octobre. Malheureusement, nous apprenons qu’elle a eu lieu ce mercredi 28 octobre 2020. Pourquoi tous ces reports ?

Il y a la partie 360 Communications ainsi que la partie Socoda qui avait été appelées en intervention forcée par la Bracongo, qui n’avaient pas communiqué leur conclusion. La procédure des affaires civiles exige que toutes les parties communiquent leurs pièces afin que l’affaire soit mise à l’état avant de pouvoir passer à la plaidoirie. Voilà pourquoi il n’y a pas eu plaidoirie le 7 octobre.  C’est pour permettre à ces deux parties de communiquer aux autres parties leurs conclusions.

 

Ne pensez-vous pas que la Socoda pourrait indirectement influencer ce procès en faveur de la brasserie qui illégalement à exploiter votre œuvre ?

Je ne pense pas. Une chose est sûre ce que la Socoda a été appelée par la Bracongo, en intervention forcée dans ce procès. Mais  la Socoda est une société qui est également soumise aux lois de la république. Les faits sont là, je ne crois pas que l’état permettra une marge d’erreur à qui que ce soit. Ni à moi, ni à la Bracongo, ni à la Socoda. Je pense que la Socoda ne s’engagera qu’au côté de la vérité. Je ne pense pas qu’elle fasse exprès de prendre partie de la brasserie.

Le chanteur Alesh entouré de ses avocats. Ph.M.E

Depuis le début de votre procès face à la Bracongo, la société des droits d’auteur au Congo (ADACO) apporte son soutien moral et est prête pour un soutien judiciaire. Comment aviez-vous accueilli ce message de soutien ?

C’est vraiment à cœur joie. C’est pour moi une preuve que la question du travail d’artistes préoccupe tout le monde. Et que le combat que je mène aujourd’hui n’est pas unique à moi. C’est vrai que nous avons tiré l’exemple des autres aînés, mais dans le mouvement musical  congolais, beaucoup de musiciens se sont laissés utiliser pendant plusieurs années sans prendre le risque ou avoir l’audace d’aller intenter des actions judiciaires.

Nous, nous nous sommes décidés de révéler à tout le monde et de sensibiliser. C’est une joie pour nous de voir que le combat que nous menions, a une portée pédagogique qui ne servira pas qu’aux artistes, mais également à toutes les sociétés commerciales qui doivent comprendre que les œuvres d’esprit ne sont pas des biens sans maître.

 

Le chanteur Blaise Bula qui a une certaine époque avait vu son œuvre « Okota » (Saint Valentin) exploitée frauduleusement par une société des télécommunications, veut vous soutenir. A quoi est due cette motivation ?

Au-delà des musiciens, il y a très peu des personnes qui peuvent comprendre réellement toutes les difficultés auxquelles nous faisons face avant de produire une œuvre. C’est un très long et pénible processus. Il est coûteux et parfois, nous éloigne de nos familles.

Blaise Bula est dans une posture qui lui permette de se mettre facilement dans ma peau, qu’un autre professionnel d’un autre métier. C’est sûrement à cause de toutes les difficultés que nous traversons que Blaise Bula se dit avoir une certaine responsabilité parce qu’en plus je suis son cadet dans la musique et en tant que grand-frère qui a une lumière sur lui, il me guide dans la procédure.

A cet instant, comment se constitue votre répertoire ?

Pour ceux qui savent déjà, il y a d’abord un album de dix titres, sorti il y a dix ans. Ensuite, il y a trois singles qui étaient sortis avant cet album et cinq singles qui sont sortis après. Au moment où je parle, je suis presqu’à la fin de la réalisation de mon deuxième album qui contiendra entre douze et quatorze titres. Mon catalogue musical s’enrichit chaque jour et je pense que je vais passer beaucoup de temps à créer un registre. J’ajouterai d’autres morceaux, même au moment où j’aurai sorti mon album parce que j’aimerai élargir mon catalogue.

 

Depuis que vous avez décidé de placer votre QG à Kinshasa, plusieurs musiciens talentueux de la province de Tshopo et d’ailleurs pensent que Kinshasa est le centre de réussite pour les musiciens qui viennent d’ailleurs. Est-ce vrai ?

Si nous devions citer une seule ville de la musique au Congo, nous citerons d’abord Kinshasa. La langue de la musique au Congo c’est d’abord le lingala, bien que nous puissions également chanter dans d’autres langues et accrocher l’opinion.

Je pense que Kinshasa a l’avantage de pouvoir exposer les talents à l’échelle nationale beaucoup plus facilement que d’autres provinces. Moi par exemple, je brillais déjà très fort en étant basé à Kisangani, mais plusieurs autres provinces ne m’ont découvert que quand j’ai brillé à Kinshasa. Les choses sont malheureusement organisées de telle manière que Kinshasa reste la plaque tournante de beaucoup d’affaires au Congo.

Pomba Leader et Alesh lors du tournage du clip de la chanson « Oa Motema mabe ». Ph.M.E

Comment arrivez-vous à concilier la musique, la vie en famille et vos autres engagements professionnels ?

C’est un gros exercice de concilier le business personnel, la famille et ma carrière de musicien, surtout quand nous sommes reconnus comme je le suis. Mais j’essaie de tracer mes priorités. C’est-à-dire qu’il y a des moments où ma priorité est la musique et la famille qui est là intemporellement.

Mais il m’arrive de me consacrer entièrement dans la musique. Il y a également d’autres business qui sont des impératifs parce qu’il faut gagner de l’argent non seulement pour avoir plus de facilité au niveau musicale, mais aussi soutenir le projet à long terme pour la famille. Ma petite technique est de diviser mon temps en trois, plus mon temps de repos. Bien que je me repose très peu pour pouvoir maintenir en équilibre ces trois composantes de ma vie.

 

Mental Engagé. C’est quoi ? Quels sont les artistes musiciens que vous produisez ?

Mental Engagé est un concept qui a vraiment évolué. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus un état d’esprit. Au début, c’était une Asbl qui avait pour objectif de produire les talents hip hop. C’est-à-dire produire les chanteurs, les breakers, les DJs, les grapheurs … qui ont un contenu socialement ou politiquement engagé.

Avec le temps, il y a eu beaucoup de mutations. C’est vrai que sur papier l’Asbl existe toujours, mais cela fait un moment que nous ne travaille plus en tant qu’Asbl.

Mental Engagé a deux studios où nous enregistrons des artistes qui nous marquent positivement par leur écriture par exemple. Notre dernier projet en tant qu’Asbl date d’il y a trois ans. Aujourd’hui, nous essayons d’en faire un état d’esprit au niveau de la nation pour faire comprendre aux populations leurs responsabilités face à tout ce qui se passe dans le pays.

En ce moment, nous avons également un projet de label. Nous y travaillons bien que cela nous prendra un peu de temps. Il y a trois artistes que nous aimerions produire dont l’une est du Kongo Central, c’est Hadassa et l’autre est du district de Tshangu à Kinshasa. C’est un jeune rappeur Dan Dur. Nous avons également une chanteuse qui a participé au concours Super Star, à deux ou trois reprises et qui s’appelle Abigaelle Wallo.

Que doit faire un artiste musicien qui veut contacter votre label ?

Il faut que ce dernier contacte mon manager Jean Steve Tshenda parce qu’en ce moment, il sert de pont entre le Mental Engagé et moi. Son numéro est public sur toutes mes pages sociales notamment sur ma page Facebook et sur mon Instagram. Il faut surtout avoir un contenu lyric de qualité parce qu’un musicien qui n’écrit pas dans la direction du Mental Engagé, a très peu de chance de pouvoir retenir notre attention.

 

Un message à l’opinion publique qui suit de près votre procès via Eventsrdc.com ?

Joignez-vous à moi pour remercier du fond du cœur Eventsrdc.com, puisque c’est l’un des médias qui garde, les dates en tête et qui se présente aux procès pour couvrir l’événement. Merci de toujours soutenir les cultures urbaines et d’autres formes de culture congolaise. A tout le monde, vos soutiens sont toujours les bienvenus.

Les audiences sont publiques et tout citoyen congolais intéressé peut venir assister. Et, pour ceux qui veulent nous contacter pour un sponsoring ou nous faire jouer un concert dans leurs villes, ou encore pour tout autre deal, n’hésitez pas, le numéro de mon manager est +243 81 4888 154.

 

R(é) écoutez en Podcast le récent passage d’Alesh sur Eventsrdc FM

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GLODY NDAYA

CINARDO KIVUILA